Le Vietnam commence à sortir du confinement, fort de son succès apparent face au coronavirus

Moins de 300 cas et zéro décès recensés: le Vietnam semble réussir à juguler la pandémie de coronavirus grâce à une politique stricte de quarantaine et de suivi des personnes infectées. Fort de ce succès apparent, le pays commence à sortir du confinement.

Si les rassemblements restent interdits, le port du masque et la distanciation sociale encouragés, le régime communiste autorise certains commerces à rouvrir à partir de jeudi notamment à Hanoï et Ho Chi Minh-Ville.

Dès les premières heures de la matinée, quelques cafés de la capitale ont redémarré timidement leur activité, stoppée nette depuis plusieurs semaines, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Cet assouplissement intervient alors que le pays semble contrôler à ce jour la situation.

Depuis la détection des premiers cas en janvier, seules 268 contaminations au covid-2019 ont été signalées, sans entraîner de décès. Aucune nouvelle infection n’a été recensée depuis une semaine.

Le nombre de personnes testées reste certes faible (un peu plus de 180.000 sur une population de 96 millions d’habitants).

Et quiconque oserait remettre en cause les chiffres officiels s’exposerait à des sanctions du gouvernement, très attentif à ce que sa gestion de la crise sanitaire ne soit pas remise en cause.

– Camps de quarantaine –

Mais les experts estiment que la tendance est positive et des représentants de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont à plusieurs reprises mis en avant la rapidité avec laquelle Hanoï avait réagi.

Dès les premiers jours de février, le Vietnam a suspendu tous ses vols vers la Chine et verrouillé quasi-totalement sa frontière terrestre, longue de 1.300 kilomètres, avec la République populaire.

Les écoles n’ont pas rouvert après les cérémonies du Têt, le Nouvel An vietnamien, fin janvier.

Et des villages agricoles et leurs 10.000 habitants ont été verrouillés pour trois semaines alors qu’il n’y avait qu’une douzaine de cas confirmés sur l’ensemble du territoire.

Par la suite, « plus de 80.000 personnes se sont retrouvées en quarantaine au même moment » à travers tout le pays dans des camps gardés par l’armée, a relevé Takeshi Kasai, directeur régional de l’OMS pour la région Pacifique occidental. « C’est la raison pour laquelle ils ont pu continuer à maintenir un petit nombre » d’infections.

Beaucoup de Vietnamiens, mais aussi d’étrangers, se sont ainsi retrouvés dans ces centres aux allures militaires, comme Vu Thi Nhung et son fils qui y ont passé deux semaines à leur retour d’Allemagne en mars.

Ils étaient obligés de dormir sur des lits superposés sans matelas, et trois repas quotidiens étaient déposés devant leur chambre par des soldats, racontent-ils à l’AFP.

– « Combattre l’ennemi » –

« On ne peut pas comparer cela à la maison mais vu la situation économique dans laquelle le pays se retouve à cause de cette épidémie, cela a dépassé mes attentes », relève Vu Thi Nhun.

N’ayant pas les moyens de lancer une campagne de tests à grande échelle comme la Corée du Sud, les autorités ont aussi misé sur l’isolement des personnes infectées. Une véritable traque s’est mise en place pour débusquer les personnes avec lesquelles elles avaient été en contact.

A Hanoï, Nguyen Trinh Thang, vétéran de la guerre du Vietnam, a ainsi été recruté pour cibler tout cas suspect. Il peut s’appuyer sur les réseaux d’habitants utilisés depuis des décennies par le régime communiste pour relayer l’action du parti dans les quartiers.

« Nous allons dans toutes les allées, on frappe à toutes les portes », explique-t-il à l’AFP. « Combattre l’épidémie, c’est combattre l’ennemi », ajoute-t-il en reprenant la devise du gouvernement.

Une stratégie plutôt bien accueillie par les Vietnamiens, habitués à l’omniprésence du parti, comme en attestent les messages positifs sur les réseaux sociaux.

Ultime pied de nez du Vietnam, le régime mise désormais sur la « diplomatie des masques » pour renforcer sa position à l’international. Le pays a fait don ces deux derniers mois d’au moins 1,5 million de masques à plusieurs pays d’Europe de l’Ouest et aux Etats-Unis, qui en manquent cruellement.

La justice allemande se penche pour la première fois sur des exactions en Syrie

Deux membres présumés des services de renseignement syriens, dont un haut gradé, comparaissent à partir de jeudi devant la justice allemande pour le premier procès au monde des exactions imputées au régime de Bachar al-Assad.

Le principal suspect, Anwar Raslan, 57 ans, présenté comme un ancien colonel de la Sûreté d’Etat, est poursuivi pour crime contre l’humanité.

La justice lui reproche d’être responsable de la mort de 58 personnes, de la torture d’au moins 4.000 autres, d’un viol et d’un sévice sexuel aggravé entre le 29 avril 2011 et 7 septembre 2012 dans le centre de détention d’Al-Khatib à Damas, dont il avait la charge.

Également dans le box des accusés, Eyad al-Gharib, 43 ans, comparaît pour complicité de crime contre l’humanité pour avoir participé à l’arrestation de manifestants emmenés dans cette prison, entre les 1er septembre et 31 octobre 2011.

Les deux hommes, en détention provisoire depuis leur arrestation le 12 février 2019, avaient fui leur pays avant de rejoindre l’Allemagne où ils ont demandé l’asile comme des centaines de milliers de Syriens depuis neuf ans.

Anwar Raslan affirme avoir fait défection fin 2012 et, selon plusieurs médias, avoir rejoint les rangs de l’opposition en exil avant son arrivée en Allemagne le 26 juillet 2014. Il encourt la prison à perpétuité.

– « Pas important » –

Le procès, placé sous haute sécurité et qui se tiendra au moins jusqu’à la mi-août devant le tribunal de grande instance de Coblence, constitue « un pas important, c’est le début d’un examen des crimes (du régime syrien) devant une haute Cour allemande », affirme à l’AFP Wolfgang Kaleck, secrétaire général de l’ONG allemande ECCHR, qui a notamment apporté son soutien à 16 victimes rescapées dont certaines se sont constituées parties civiles.

Pour juger les deux Syriens, l’Allemagne applique le principe juridique de la compétence universelle qui permet à un Etat de poursuivre les auteurs de crimes quels que soit leur nationalité et l’endroit où ils ont été commis.

C’est actuellement la seule possibilité de juger les exactions perpétrées en Syrie car la perspective d’une saisine de la Cour pénale internationale est rendue impossible par les veto de la Russie et de la Chine, selon des ONG.

Les enquêteurs se sont notamment appuyés sur les témoignages des victimes qui ont survécu aux conditions de détention « inhumaines et dégradantes », selon la justice, et sont parvenues à rejoindre l’Europe.

– « Electrochocs » –

Dans la prison d’Al-Khatib dite aussi de la division 251, les détenus, qui pour beaucoup avaient participé aux manifestations réclamant liberté et démocratie en Syrie dans le cadre du Printemps arabe à partir de mars 2011, ont reçu « des coups de poing, bâton, câble, fouet » et subi « des électrochocs », selon le parquet.

Certains ont été pendus par les poignets « de manière à ce que seules les pointes des pieds touchent encore le sol » et « ont continué à être battus dans cette position », poursuit-il, évoquant aussi « des privations de sommeil pendant plusieurs jours ».

Ces « sévices brutaux psychiques et physiques » visaient à extorquer « des aveux et des informations sur l’opposition », précise l’acte d’accusation.

On ne parle « pas d’un quelconque gardien de prison », rétorque M. Kaleck, « mais de quelqu’un qui selon le parquet a eu une fonction de direction » au sein de l’appareil d’Etat syrien.

Les avocats des deux accusés n’ont pas voulu s’exprimer avant le procès.

En revanche, Bachar al-Assad, interrogé en novembre 2019 par la chaîne russe proche du Kremlin RT sur la procédure contre Anwar Raslan, avait nié toute pratique de la torture.

« Nous n’avons jamais considéré que la torture pouvait améliorer la situation de l’Etat, c’est aussi simple que cela », avait affirmé le président syrien qui dirige le pays d’une main de fer depuis vingt ans.

Pourtant, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), au moins 60.000 personnes sont mortes sous la torture ou à cause des terribles conditions de détention dans les prisons du régime.

Coronavirus en Afrique: la télévision comme tableau noir pour élèves et étudiants

« Ecole à la maison », « Salle des profs », « L’école à la télé »… De nombreux Etats africains ou des chaînes privées ont lancé des programmes de télé-enseignement pour tenter de compenser la fermeture des établissements scolaires et universitaires. Mais ce n’est pas la solution miracle.

« C’est pour éviter que le Covid-19 gagne là où ça fera le plus mal, dans le domaine du savoir. Que les enfants ne désapprennent pas même s’ils restent à la maison », affirme à l’AFP Massamba Guèye, enseignant-chercheur au Sénégal, où la télévision Futurs Médias (TFM, privée), propriété du chanteur Youssou Ndour, dispense trois fois par jour des cours à toutes les classes, y compris l’enseignement professionnel.

« La reprise de l’école (…) n’est plus à l’ordre du jour. Il faut sauver l’école car, probablement, une menace d’année blanche plane », constate l’Association générale des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (Ageeci).

Au Burkina Faso, la télévision privée Burkinainfo diffuse quatre fois par jour des cours destinés aux élèves en classe d’examen (3e et terminale).

« Nous enregistrons les enseignements, que nous diffusons sur la télévision. Essentiellement les matières de base: mathématiques, physique-chimie, philosophie et français », explique le directeur de la chaîne Ismaël Ouédraogo. « Les cours sont dispensés par des enseignants expérimentés, qui soutiennent bénévolement l’initiative de la télévision”, soutient-il.

En Côte d’Ivoire, une start-up propose des cours avec des sms. Gratuit au début mais payant ensuite….

Plusieurs instituts et universités africaines privées explorent l’enseignement à distance avec internet.

« Nous avons prévu de finir l’année scolaire fin mai », explique au Burkina le président du conseil d’administration de l’Institut africain de management (IAM), Amed Moussa Diallo, qui a mis en place des cours en ligne.

Toutefois, cette méthode se heurte à plusieurs écueils: la faible couverture dans certaines régions d’Afrique (zones rurales), ou son prix, car dans de nombreux pays la plupart des étudiants n’ont pas les moyens de se connecter longtemps.

« La plupart des étudiants n’ont pas accès à internet d’autant qu’on a demandé à beaucoup d’entre eux de rentrer dans leurs foyers souvent dans des endroits reculés de l’Ouganda », affirme Henry Tumwiine, professeur à l’université Mountain of the Moon University de Fortportal (Ouest de l’Ouganda).

« En Afrique subsaharienne, 89% des apprenants n’ont pas accès aux ordinateurs familiaux et 82% n’ont pas internet », souligne l’Unesco dans un communiqué, dénonçant une « fracture numérique préoccupante dans l’enseignement à distance ».

« En outre, alors que les téléphones mobiles peuvent permettre aux apprenants d’accéder à l’information, de se connecter entre eux et avec leurs enseignants, environ 56 millions d’apprenants vivent en des lieux non desservis par les réseaux mobiles, dont près de la moitié en Afrique subsaharienne », ajoute l’Unesco.

« Je n’ai pas de quoi me payer un ordinateur donc je manque les cours en ligne. On va attendre la réouverture de l’université », affirme Alexander Mubiru, 29 ans, étudiant à l’université public de Makerere de Kampala.

La télévision n’est pour autant pas le remède miracle, faute d’interactivité entre professeurs et élèves: pas de question possible, pas d’observation du professeur pour voir si les élèves ont bien compris…

Il aurait fallu coordonner le programme avec des écoles ou des professeurs pouvant intervenir avec les élèves, comme pour les cours par internet, estiment certains parents d’élèves.

– Pas d’électricité ou de télé –

« Avec les cours à la maison, les élèves doivent d’abord s’habituer à s’asseoir et être devant leurs ordinateurs. Ils doivent adopter une discipline », estime Makini Tchameni, directrice de l’African American Academy, spécialisé dans les cours à distance au Burkina.

L’Ageeci s’interroge sur la possibilité de proposer « le quantum horaire (1.300 heures pour l’année) » et s’inquiète aussi pour les élèves « qui ne comprennent pas les cours (…)Pourront-ils maitriser le téléenseignement, surtout pour ceux qui sont dans les bas-quartiers où il n’y a parfois ni électricité, ni télévision, ni radio ou internet? »

« Depuis une semaine, la ville est privée d’électricité. Les élèves passent le temps dans les champs pour gagner de l’argent », témoigne un fonctionnaire de Mozogo, ville enclavée de l’Extrême-Nord du Cameroun.

« Les enfants sont désemparés. Ce n’est pas tout le monde qui a un téléviseur. Nous sommes inquiets parce que nos enfants n’ont pas la même possibilité de suivre les cours à la radio et à la télé », explique Gil Mahama, parent de huit enfants à Mozogo.

Assidu devant la télé dans le salon familial au Burkina, Khalil Nonguierma, élève de terminale, se réjouit de l’initiative qui permet de « garder un contact avec l’école » mais s’inquiète du « manque d’interactivité avec l’enseignant qui se contente de faire un cours magistral ou de traiter des exercices ». « Si on comprend, c’est bien mais si on ne comprend pas, on n’arrive plus à suivre ».

Nigeria: des centaines d’enfants des rues évacués de Kano pour éviter la propagation du virus

Des centaines de garçons font la queue en attendant de monter dans des bus qui les emmeneront loin de Kano. Après avoir noté leur nom et pris leur température, la grande ville du nord du Nigeria évacue ces enfants des rues pour se protéger du coronavirus.

La plupart d’entre eux sont des élèves d’écoles coraniques controversées que l’on voit généralement mendier dans les rues dans le nord majoritairement musulman du pays.

Pour freiner la propagation du coronavirus, les autorités locales ont décidé d’évacuer quelque 250.000 enfants de la ville de quatre millions d’habitants, pour les renvoyer dans leurs villages.

« Pour l’instant, nous allons évacuer 1.595 enfants », a déclaré à l’AFP Muhammad Sanusi Kiru, ministre de l’Education de Kano, alors que les premiers bus s’apprêtaient à partir mardi. « C’est un processus graduel, nous le faisons par phases, nous les récupérons petit à petit ».

Les rues de cette cité commerçante d’ordinaire bouillonnante d’activité – qui compte pour l’instant 73 cas officiellement confirmés de coronavirus et un décès – sont vides depuis le confinement décrété la semaine dernière.

Le gouvernement de Kano, qui estime le nombre d’enfants mendiants à plusieurs millions dans tout l’Etat, craint une propagation du virus qui pourrait s’avérer catastrophique dans une ville comme Kano, aux infrastructures de santé largement défaillantes.

– « Conditions désastreuses » –

Dans cette région, de nombreux parents envoient leurs fils dès l’âge de six ans apprendre le Coran auprès de maitres religieux dans des écoles non agréées, appelées Almajiri.

Les cours sont gratuits, mais les enfants doivent se débrouiller seuls, généralement en mendiant ou en effectuant des petits boulots.

Ces écoles – qui font aussi office de « maisons de correction » pour les jeunes toxicomanes – ont fait scandale l’année dernière, lorsque plusieurs raids de la police dans des villes du nord ont mis à jour les conditions inhumaines dans lesquelles y vivaient nombre d’enfants et de jeunes hommes.

Certains ont été retrouvés enchaînés, des centaines vivaient entassés dans des pièces sales où la torture et le viol étaient généralisés.

Dans une lettre ouverte en mars, une ONG nigériane, Almajiri Child Right Initiative, demandait que les enfants qui le pouvaient soient ramenés chez eux, et que des aides alimentaires soient distribuées à ceux qui restaient.

« Les écoles officielles ont été suspendues partout dans le pays pour contrôler la propagation probable de la pandémie (…) mais aucune mesure similaire n’a été appliquée dans les écoles Almajiri », selon l’ONG.

Compte tenu des conditions « désastreuses » dans lesquelles ces enfants vivent, « nous pensons qu’il n’y a pas pire environnement » pour eux.

– « Volontaires » –

Kano imite ainsi les Etats voisins de Kaduna et Nasarawa, qui ont déjà évacué des grandes villes des centaines d’enfants, dans le cadre d’une résolution prise par 19 gouverneurs du nord, pour lutter contre la mendicité dans le contexte de crise sanitaire.

Selon les autorités de Kano, qui ont appelé les leaders religieux à évacuer leurs élèves via des messages diffusés à la radio, la première vague de 1.595 garçons part sur une base « volontaire ».

« Les enseignants qui ont amené ces enfants à Kano sont ceux qui nous appellent volontairement pour venir les chercher », assure le ministre Kiru. « Nous ne les obligeons pas à quitter l’Etat ».

Pour l’activiste Saminu Dala, les 250.000 jeunes mendiants identifiés jusque-là « ne représentent qu’une fraction de leur nombre réel ».

« Dans une situation d’urgence comme celle-ci, vous devez être sévère et utiliser la puissance régalienne pour évacuer ces enfants », de force si besoin, a-t-il dit à l’AFP.

En février, avant même que le coronavirus arrive dans la région, la mendicité de rue avait été interdite. La police chargée de faire appliquer la charia, la Hisbah, avait reçu l’ordre d’arrêter les religieux et les parents qui enfreignaient la nouvelle mesure.

Seuls 1.500 enfants avaient initialement regagné leurs foyers, mais au bout de quelques semaines, la répression s’était essoufflée.

Loin de leur terre, les Nubiens rêvent de redonner vie à leur langue

Nourrie aux récits de l’époque lointaine où la vie s’articulait autour du Nil, Fatma Addar, 23 ans, a grandi dans la culture nubienne de ses parents, sans jamais en parler la langue, aujourd’hui très peu usitée.

« On me demande souvent comment je peux être nubienne si je ne parle pas notre propre langue (…). Cela a toujours été un problème pour moi », déplore Mme Addar, arabophone d’éducation.

Cette habitante d’Assouan (sud) appartient à la principale minorité ethnique d’Egypte: les Nubiens, qui ont leurs racines dans le Sud du pays et le Nord du Soudan actuel.

Depuis les années 1960, les terres de l’ancienne Nubie sont en grande partie submergées par les eaux du lac Nasser, né de la construction du Haut barrage d’Assouan, projet monumental lancé par le président Gamal Abdel Nasser et inauguré en 1971.

En l’absence de chiffres officiels, les experts et associations nubiennes évaluent leur nombre entre trois à quatre millions de personnes aujourd’hui, sur plus de 100 millions d’Egyptiens.

A l’époque de la submersion, une part importante de la population d’alors –soit quelque dizaines de milliers de personnes, selon les associations– a dû quitter les rives fertiles du Nil pour les campagnes arides du Sud, ou les grandes villes, et s’assimiler progressivement au reste de la société… Jusqu’à en adopter la langue.

– « Marginalisation culturelle » –

Car si les programmes scolaires comprennent des langues étrangères, ni le nubien ni le berbère, langues minoritaires, ne sont enseignés dans les écoles égyptiennes.

Pour le chercheur Hussein Kobbara, 63 ans, cela participe « clairement de la marginalisation culturelle » des Nubiens.

« Cela fragilise notre identité », ajoute l’universitaire, lui-même d’origine nubienne.

Mme Addar, à l’instar de la plupart des Nubiens de sa génération, n’a été exposée à la langue de ses aïeux qu’à de rares occasions, notamment auprès des membres les plus âgés de la communauté, derniers gardiens de l’idiome ancestral.

« Notre intégration à la société arabophone a peu à peu éloigné le besoin de parler nubien », regrette la jeune femme.

Avec ses origines remontant à plusieurs milliers d’années, la langue nubienne se décline en deux dialectes, le kenzi et le fadidji, assez différents l’un de l’autre.

Transmise surtout oralement, elle est aujourd’hui transcrite dans un alphabet de 24 lettres proche du grec, mis au point par une équipe de chercheurs dans les années 1990.

Du fait de sa rareté, cette langue a été utilisée comme code militaire dans l’armée égyptienne durant la guerre de 1973 contre Israël.

– « Contes d’antan » –

Ces dernières années, la communauté nubienne a décidé de réinvestir son patrimoine linguistique en profitant notamment des nouvelles technologies.

« On filme des Nubiens âgés qui nous racontent les coutumes et légendes de leurs anciens villages, puis on en extrait des expressions », explique à l’AFP Hafsa Amberkab, une cheffe d’entreprise nubienne.

Cette initiative intitulée « Komma Waidi » (« Contes d’antan », en nubien), vise à documenter toute une tradition orale de récits et de fables.

Dans l’une des vidéos –dont certaines sont accessibles sur les réseaux sociaux–, on voit une femme âgée baigner un nouveau-né dans le Nil sept jours après sa naissance pour le bénir et le protéger, selon un vieux rituel de baptême nubien.

Depuis 2019, Mmes Amberkab et Addar travaillent également à un dictionnaire kenzi qui comprend 230 mots transcrits en alphabet arabe et traduits en arabe, anglais et espagnol.

– Application mobile –

En 2017, le développeur Momen Talouch a de son côté créé l’application mobile Nubi destinée à l’apprentissage des deux dialectes nubiens.

« Je ne les parle pas couramment moi-même car j’ai toujours vécu à Alexandrie », dans le nord de l’Egypte, affirme-t-il, tout en revendiquant son appartenance à la Nubie.

Dotée de 3.000 utilisateurs réguliers et téléchargée plus de 20.000 fois, l’application propose d’apprendre, avec des jeux, des chansons et des proverbes transcrits en alphabet nubien moderne et traduits en arabe.

Les chansons oscillent entre des airs gais, incontournables des mariages de la communauté, et des morceaux chargés de mélancolie.

« Mon fils, toi qui t’en vas rejoindre le village, pense à moi quand tu y seras et salue-le pour moi », raconte l’une d’elles.

Les Nubiens réclament de longue date un « droit de retour » et ont obtenu, en 2014, l’inscription de cette revendication dans la Constitution égyptienne.

Bien que le texte leur garantisse « un retour sous dix ans », aucune mesure concrète n’a pour l’heure été prise.

Au contraire, le territoire de l’ancienne Nubie qui n’a pas été inondé a progressivement été placé sous le contrôle de l’armée, dont le rôle est croissant dans l’économie égyptienne.

– Réparation partielle –

L’histoire récente des Nubiens est jalonnée de vagues successives de déplacements de population.

Les différentes étapes de la construction de l’ancien barrage (1902, 1912, 1933), édifié sous le protectorat britannique à la fin du XIXe siècle, ont donné lieu à de premières évacuations, culminant avec la construction du Haut barrage d’Assouan dans les années 1960.

En 2017, plusieurs sit-ins et marches « pour le retour » dans le sud ont abouti à l’arrestation d’une vingtaine de manifestants nubiens.

L’an dernier, le gouvernement a annoncé des mesures partielles de réparation prévoyant le dédommagement, par compensations financières ou attribution de logements sociaux, de quelques milliers de Nubiens.

Toutefois, aux yeux des militants de la cause nubienne, ces gestes ne peuvent remplacer leur droit au retour.

« Cela sera toujours notre rêve et nous devons maintenir notre langue en vie jusqu’à ce que l’on puisse se réinstaller sur nos terres », exhorte la cheffe d’entreprise Hafsa Amberkab.

« Sinon, ce sera un retour sans âme ».

Aux Etats-Unis, la Géorgie rouvre ses commerces malgré le coronavirus et les critiques

Le gouverneur de la Géorgie a autorisé certains pans de l’économie à rouvrir vendredi dans cet Etat du sud des Etats-Unis, une décision critiquée par des responsables locaux et même par Donald Trump, pour qui la mesure est précipitée en pleine pandémie de coronavirus.

Brian Kemp, un fervent partisan du président américain, a décidé de rouvrir certains commerces comme les salles de gym, les bowlings, les ateliers de tatouages, les salons de coiffure et de soins esthétiques ou les ongleries.

A partir de lundi, ce sera au tour des cinémas et des restaurants, qui devront imposer de strictes mesures de distance sanitaire et procéder à des nettoyages réguliers.

Le gouverneur républicain a cité « les données favorables et l’augmentation des tests » pour justifier sa décision, selon lui « approuvée par nos professionnels de la santé », alors que l’Etat compte près de 21.000 cas positifs au coronavirus et a enregistré plus de 850 décès.

Ces réouvertures sont « d’une précision chirurgicale, ciblées et méthodiques, en donnant la priorité à la santé des citoyens », a assuré M. Kemp.

Mais même Donald Trump, ardent partisan d’une réouverture au plus vite de l’économie, a dit mercredi être en « désaccord profond » avec le gouverneur, estimant que les commerces concernés ne faisaient pas partie de la première phase du plan préparé par la Maison Blanche pour relancer l’activité de la première puissance mondiale.

« C’est trop tôt, ils peuvent attendre encore un petit peu », a-t-il expliqué, tout en disant laisser M. Kemp libre de sa décision.

« Je lui conseillerais de ne pas faire ça », a renchéri l’épidémiologiste Anthony Fauci, conseiller de la Maison Blanche sur la pandémie.

Keisha Lance Bottoms, la maire démocrate d’Atlanta, capitale de l’Etat de Géorgie, a de son côté dénoncé une décision qu’elle juge précipitée et dangereuse.

« Je suis profondément inquiète, car on observe toujours une courbe ascendante » de la contamination dans l’Etat, a-t-elle dit sur CBSN.

« J’espère que le gouverneur a raison et que j’ai tort, parce que s’il se trompe, plus de gens vont mourir », a affirmé la maire.

– Responsabilité individuelle –

Brian Kemp a en revanche reçu l’appui d’une partie du patronat local, comme celui de Kay Kendrick, présidente de la Fédération de la cosmétologie et de la coiffure, qui compte 95.000 membres.

« Beaucoup d’entre eux sont des indépendants qui n’ont pas d’autres sources de revenus », a-t-elle dit dans un communiqué.

Pour Diane Fall, au contraire, il est trop tôt. « On dirait que le gouverneur nous fait une faveur, mais je préfère être en vie plutôt qu’ouvrir mon commerce », a dit cette propriétaire d’un salon de coiffure à Decatur, citée par le Wall Street Journal.

Le patron du département d’épidémiologie à l’Université d’Atlanta, José Cordero, rappelle que la propagation du virus est différente selon les Etats et que chacun doit étudier la situation sur le terrain, tout en respectant les consignes sanitaires.

« L’ouverture de ces commerces ne signifie pas qu’on a carte blanche », a-t-il dit à l’AFP.

« Nous devons tous garder à l’esprit notre responsabilité individuelle, si vous êtes malade, restez à la maison », a-t-il ajouté.

Donald Trump souhaite une relance rapide pour briser la spirale de la crise et du chômage – plus de 22 millions d’Américains ont perdu leur emploi depuis le début de l’épidémie. A travers le pays, les partisans du déconfinement demandent la fin des restrictions qui ont mis en sommeil le pays.

Plusieurs Etats républicains ont récemment desserré l’étau du confinement obligatoire. La Caroline du Sud et la Floride ont ainsi ouvert quelques plages au public, et préparent un redémarrage en plusieurs phases.

Des partis politiques, des églises, des organisations, des personnalités et autres encore condamnent l’arrestation d’Agbéyomé Kodjo

L’arrestation mardi de l’ancien Premier ministre, Agbéyomé Kodjo, est unanimement condamnée par la classe politique de l’opposition et la société civile togolaises.

Dans une réaction officielle ce mercredi 22 avril, l’Alliance des démocrates pour le développement intégral (ADDI) du Professeur Aimé Gogué « dénonce avec fermeté et rigueur les manœuvres armées utilisées depuis plus d’un mois et ayant conduit à une violation brutale et violente d’un domicile privé pour non seulement arrêter M. Gabriel Messan Agbéyomé KODJO, mais également des membres de sa famille biologique, des membres d’associations des droits de l’homme, d’au moins un journaliste et de plusieurs de ses amis présents sur place ». Même son de cloche au Parti des Togolais de Nathaniel Olympio.

« En procédant à son arrestation pour des faits de contestation des résultats de l’élection présidentielle du 22 février 2020, le régime togolais confirme l’instrumentalisation qu’il fait de l’institution judiciaire dans le but de neutraliser les acteurs politiques s’insurgeant contre son accaparement du pouvoir », relève dans un communiqué le parti qui parle de « méthodes déshonorantes ».

« Fidèle à ses principes de respect de l’Etat de droit et des libertés fondamentales », l’Alliance nationale pour le changement (ANC) de l’ancien chef de file de l’opposition, Jean-Pierre Fabre, « condamne les conditions de cette interpellation caractérisées par l’usage excessif de la force » et « déplore que les autorités togolaises refusent obstinément d’engager notre pays sur la voie d’un Etat de droit, protecteur des libertés ».  « Enlèvement de Gabriel Agbeyomé Kodjo, encore une illustration du perpétuel gangstérisme d’Etat et de « démocrature » togolaise.

Par quelle alchimie un contentieux électoral se retrouve-t-il en instruction dans un service d’investigation criminelle de la Gendarmerie nationale ?», a tweeté François Boko, l’ancien ministre togolais de l’Intérieur aujourd’hui avocat au Barreau de Paris.  « Le régime de Faure Gnassingbé en mal de légitimité gagnerait en crédibilité en ouvrant un dialogue politique pour solder le contentieux électoral de la présidentielle à la hussarde du 22 février 2020 », a martelé Me Boko.

L’Eglise catholique a, quant à elle, regretté le refus fait à deux de ses dignitaires de porter assistance à Mgr Philippe Fanoko Kpodzro au domicile d’Agbéyomé Kodjo la nuit précédant l’arrestation.

En condamnant « la brutalité et la récurrence de la violence dont les autorités font preuve dans la gestion d’une situation avant tout politique », les évêques estiment que « chaque citoyen a le droit et le devoir d’exprimer sa désapprobation devant l’injustice manifeste et l’oppression ».

« Les violences physiques et autres traitements inhumains et dégradants infligés aux citoyens à cette occasion sont une négation de leurs droits et libertés », ajoutent-ils.

Presque toute la classe politique exige la libération immédiate du candidat de la dynamique Kpodzro à la présidentielle du 22 février 2020 qui continue de réclamer sa victoire à ce scrutin.

Agbéyomé Kodjo est poursuivi par le ministère public pour « mise en danger de la sécurité nationale, actes subversifs, dénonciations calomnieuses, atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat », entre autres griefs.

Son immunité parlementaire a été levée le 16 mars dernier pour le livrer à la justice.

Avec le Journal du Cameroun

Coronavirus: la lutte sera longue, impatience aux Etats-Unis, timide déconfinement en Europe

La lutte contre le coronavirus sera longue, prévient l’OMS au moment où l’impatience grandit aux Etats-Unis et où l’Europe prépare son déconfinement, sur fond d’inquiétudes économiques.

« Ne vous y trompez pas : nous avons encore un long chemin à parcourir. Ce virus nous accompagnera pendant longtemps », a prévenu mercredi le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus depuis Genève.

Le patron de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) redoute tout particulièrement un relachement dans le combat mené contre ce nouveau virus, qui a déjà fait plus de 180.000 morts dans le monde depuis son apparition en Chine en décembre.

« L’un des plus grands dangers auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui est la complaisance » face à la pandémie, a-t-il martelé, soulignant que « les premiers éléments indiquent que la majeure partie de la population mondiale reste susceptible » d’être contaminée.

Aux Etats-Unis, où les manifestations anticonfinement se poursuivent, les autorités ont recensé mercredi 1.738 décès dus au coronavirus en 24 heures, un bilan en baisse par rapport à la veille, selon le comptage de l’université Johns Hopkins qui fait référence.

Ce bilan journalier porte à 46.583 le nombre total de décès recensés depuis le début de la pandémie aux Etats-Unis, pays officiellement le plus endeuillé au monde par le Covid-19.

– « Redémarrer l’Amérique » –

En dépit de ces chiffres, et de la situation dramatique dans les hôpitaux de certaines régions particulièrement touchées, le président américain Donald Trump a jugé la semaine dernière qu’il était temps de faire « redémarrer l’Amérique ». Il a toutefois laissé chacun des gouverneurs prendre la décision selon la gravité de l’épidémie dans son Etat.

Certains ont rapidement commencé à relâcher les règles de distanciation. Dans les Etats encore sous ordre de confinement, des Américains multiplient depuis plusieurs jours les manifestations pour appeler à relancer l’économie.

Sur la même longueur d’onde, Donald Trump a signé mercredi un décret suspendant temporairement l’immigration aux Etats-Unis, qui ne délivreront plus de cartes vertes pendant deux mois, afin, dit-il, de protéger les salariés américains.

De l’autre côté de l’Atlantique, plusieurs pays européens se préparent à sortir progressivement du confinement que leurs populations sont contraintes de respecter depuis le mois dernier.

Et la tentation y est grande de relancer certaines activités économiques face au spectre de la récession.

Mais « aller trop vite serait une erreur », a estimé mardi la chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays a décidé entre autres de rouvrir certaines grandes surfaces.

Berlin et dix des 16 Etats fédérés allemands ont décidé d’imposer le port du masque dans les transports publics. Bars, restaurants, lieux culturels, terrains de sports y demeurent fermés. Ecoles et lycées rouvriront progressivement.

– « Distanciation sociale » –

Outre l’Allemagne, l’Autriche, la Norvège ou le Danemark sont engagés sur la voie de l’assouplissement de leurs mesures de confinement, tout en conservant des mesures de « distanciation sociale ».

L’Italie, la France, la Suisse, la Finlande et la Roumanie préparent aussi un prudent déconfinement.

Le constructeur automobile Renault a commencé à relancer sa production en France, qui avait été interrompue le 16 mars.

Malgré des signes de décélération, le seuil des 112.000 morts a été dépassé sur le Vieux Continent. L’Italie (25.085 morts) et l’Espagne (21.717) sont les pays en Europe les plus atteints, suivis de la France (21.340) et du Royaume-Uni (18.100).

Alors que 759 décès étaient enregistrés en Grande-Bretagne au cours des dernières 24 heures, portant le bilan dans le pays à 18.000 morts, le chef des services sanitaires britanniques, Chris Whitty, a douché les espoirs de ceux qui espéraient que Londres allait suivre la tendance européenne à alléger dans les semaines à venir les mesures de confinement.

« A long terme, on s’en sortira (…) idéalement avec un vaccin très efficace (…) ou des médicaments très efficaces qui permettront aux gens de ne plus mourir de cette maladie, même s’il l’attrapent », a-t-il dit.

– Course au vaccin –

La course mondiale à l’élaboration d’un vaccin, à laquelle participent toutes les nations et tous les grands laboratoires et firmes pharmaceutiques, a été relancée mercredi avec le feu vert donné par l’autorité fédérale allemande chargée de la certification des vaccins à un essai clinique sur les humains par le laboratoire BioNTech, basé à Mayence, en lien avec le géant américain Pfizer.

Actuellement, cinq projets de vaccin dans le monde en sont aux essais sur des humains mais la mise au point d’une formule efficace et sûre ne devrait pas prendre moins de douze à 18 mois, estiment les experts.

En attendant ce vaccin, dont le monde entier voudra disposer en même temps et dont l’obtention risque de donner lieu à une compétition féroce, la pandémie va continuer à alimenter une crise économique mondiale aux répercussions inédites.

Dans un monde à l’arrêt, les dirigeants cherchent toujours à juguler les effets d’une crise économique que le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation internationale du travail (OIT) décrivent comme la pire depuis 1945.

Les dirigeants européens se retrouvent jeudi devant leurs écrans, pour un sommet en visioconférence censé trouver les solutions pour sortir l’Union européenne de la récession, mais leurs profondes divisions risquent de les contraindre à reporter toute décision d’envergure.

La crise s’amplifie pourtant dans certains secteurs. Lù l’Organisation internationale de l’aviation civile (OACI) estime ainsi que le coronavirus pourrait réduire de 1,2 milliard le nombre de passagers dans le ciel d’ici septembre, comparé à une année normale.

La Corée du Sud a annoncé jeudi une contraction de 1,4% de son activté économique au premier trimestre par rapport à l’année précédente, et les autorités redoutent un nouveau ralentissement dans les mois qui viennent.

L’ONU s’est de son côté alarmée d’une « catastrophe humanitaire mondiale » : le nombre de personnes souffrant de famine risque de doubler pour atteindre « plus de 250 millions d’ici la fin de 2020 », selon elle.

La crainte d’une deuxième vague reste également très forte

Aux Etats-Unis, un haut responsable de la santé publique, Robert Redfield, a dit redouter pour l’hiver prochain un épisode « encore plus difficile que celui que nous venons de vivre », en raison d’une possible coïncidence avec la grippe saisonnière.

Berceau du coronavirus, parti de Wuhan fin 2019, la Chine craint aussi une deuxième vague épidémique. Dans le collimateur : les personnes venant de l’étranger. Face à cette menace, la métropole de Harbin, proche de la Russie, a renforcé mercredi ses mesures de restriction.

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L’UE profondément divisée avant un sommet sur l’après-crise

Les dirigeants européens semblent plus divisés que jamais au moment de débattre jeudi des solutions pour sortir l’UE de la récession due à la pandémie de coronavirus, ce qui devrait les contraindre à reporter toute décision d’envergure.

Les 27 ne parviennent pas, pour le moment, à s’entendre sur la façon de relancer le moteur économique et un détail en dit long sur leurs divergences: contrairement à l’habitude, ils ne devraient adopter aucune déclaration commune à l’issue de leur sommet en visioconférence, qui débutera à 13H00 GMT.

Dans sa lettre d’invitation aux chefs d’Etat et de gouvernement, le président du Conseil européen Charles Michel, à la manoeuvre lors des sommets, leur « suggère de se mettre d’accord pour travailler sur un fonds de relance aussi vite que possible ».

Mission devrait être confiée à la Commission européenne de travailler rapidement sur le sujet, ce qui constituera « le principal résultat du Conseil », anticipe une source européenne.

Pourtant, la pandémie a percuté de plein fouet les économies: l’UE, dont les populations sont confinées dans la plupart des pays, devrait enregistrer une chute record de son PIB de 7,1% cette année, selon les prévisions du FMI.

Et la crise qui menace les 19 pays de la zone euro risque d’être la pire de la courte histoire de la monnaie unique lancée en 1999.

– Solidarité –

Dans ce contexte, les vieux clivages, auxquels on avait déjà assisté après la crise financière de 2009, ont réapparu au grand jour.

D’un côté les pays du Sud, fortement endeuillés par la pandémie comme l’Italie et l’Espagne, réclament davantage de solidarité financière à leurs voisins du Nord.

Mais ces derniers, en particulier l’Allemagne et les Pays-Bas, moins touchés par le virus, rechignent à payer pour des Etats à qui ils reprochent de ne pas avoir fait preuve de discipline budgétaire pendant les années de croissance.

« Les pays du Sud ont l’impression que certains Etats, actuellement plus forts économiquement, vont utiliser cette crise pour l’être encore davantage. Et ceux du Nord pensent que leurs voisins du Sud vont profiter de la pandémie pour leur léguer le fardeau de la dette qu’ils ont contractée par le passé », résume un haut responsable européen.

L’Elysée anticipe « encore des débats à l’issue du Conseil » et n’attend pas d’accord avant l’été.

« Il faudra une réunion physique des chefs d’Etat et de gouvernement, au moins une », a résumé une source française.

« C’est le sommet typique sur lequel les rencontres bilatérales, la rencontre à côté de la salle, la possibilité de se parler, de se comprendre mieux dans un tête-à-tête, tout cela va manquer », a estimé l’ancien président du Conseil italien et président de l’Institut Jacques Delors, Enrico Letta.

– « Coronabonds » –

De l’avis de tous, le plan de relance devrait être de plusieurs centaines de milliards d’euros, mais un montant définitif est encore loin d’être acté.

Sur l’épineuse question du financement de fonds de relance, différentes options ont été présentées, mais aucune ne fait pour l’instant l’unanimité.

Rome, Madrid ou Paris plaident pour un endettement commun, sous des formes variées, que l’on a souvent résumé par le terme de « coronabonds ».

L’intérêt de la mutualisation des dettes pour les pays du Sud de l’Europe, c’est de bénéficier des taux d’intérêt peu élevés des pays du Nord.

La question se pose également sur le lien entre le fonds de relance et le budget à long terme de l’UE, qui doit en principe être adopté d’ici la fin de l’année pour la période 2021-2027.

Cette option rassure les pays du Nord car elle fournit un cadre légal mais elle risque de susciter d’autres questions tout aussi compliquées, comme la priorité de ces dépenses d’investissement d’après-crise par rapport à celles qui sont traditionnelles comme la Politique agricole commune (PAC).

Les dernières négociations sur ce budget pluriannuel, en février avant la crise sanitaire et économique, s’étaient soldées par un échec retentissant.

Nouvelle manifestation anti-confinement aux Etats-Unis, Trump limite l’immigration

Donald Trump doit signer mercredi un décret suspendant temporairement la délivrance de cartes vertes afin, dit-il, de protéger les emplois américains en pleine crise liée au coronavirus, tandis que les manifestations pour réclamer la réouverture de l’économie se poursuivent à travers les Etats-Unis.

Elu en 2016 sur la promesse de construire un mur entre son pays et le Mexique, Donald Trump a fait de l’immigration un sujet clé de sa présidence et de sa campagne de réélection avant le scrutin de novembre.

« Je signerai aujourd’hui le décret interdisant l’immigration dans notre pays », a-t-il tweeté mercredi matin.

Contrairement à ce que le locataire de la Maison Blanche avait initialement laissé entendre, la suspension –d’une durée initiale de 60 jours– ne s’appliquera pas aux visas de travail temporaires mais aux seules cartes vertes qui offrent le statut de résident permanent.

Mardi, M. Trump avait mis en avant la situation de l’emploi aux Etats-Unis pour justifier sa décision.

« Il serait injuste que les Américains soient remplacés par une main-d’oeuvre venue de l’étranger », avait déclaré l’ancien homme d’affaires de New York, en appelant à « donner la priorité au travailleur américain ».

Plus de 22 millions d’Américains ont perdu leur emploi depuis que la crise du coronavirus a soudainement paralysé l’économie.

Avec près de 46.000 décès, les Etats-Unis affichent le plus lourd bilan du monde. Ils dénombrent plus de 826.000 cas de Covid-19.

Et les hôpitaux dans certaines régions particulièrement touchées ont encore du mal à répondre à l’afflux de patients, alors que le pays a enregistré l’un de ses pires bilans journaliers mardi, avec plus de 2.700 décès.

– « Besoin d’emplois » –

Donald Trump a toutefois jugé la semaine dernière qu’il était temps de faire « redémarrer l’Amérique », en laissant chacun des gouverneurs prendre la décision selon la gravité de l’épidémie dans son Etat.

Certains ont rapidement commencé à relâcher les règles de distanciation. Des plages de Floride ont été autorisées à rouvrir dimanche dernier, les gouverneurs du Texas et du Vermont ont prudemment relancé certaines activités dès lundi tandis que la Géorgie ira plus loin dès vendredi.

Coiffeurs, salons de beauté et de tatouages, bowlings et autres petits commerces pourront ouvrir leurs portes bien que cet Etat du Sud ne réponde pas aux recommandations de la Maison Blanche, qui préconise notamment d’enregistrer 14 jours de baisse du nombre d’infections avant d’assouplir les mesures.

Son gouverneur républicain, Brian Kemp, a conseillé aux employés de respecter des distances de sécurité mais elles semblent difficiles à maintenir dans certaines de ces professions.

Dans les Etats encore sous ordre de confinement, des Américains multiplient depuis plusieurs jours les manifestations pour appeler à relancer l’économie.

« Nous avons besoin d’emplois. Les gens ne peuvent pas payer leurs loyers, ils ne peuvent pas s’acheter de nourriture », a déclaré à l’AFP Jason Roberge, venu protester mercredi à Richmond, capitale de la Virginie.

« Liberté plutôt que peur », pouvait-on lire sur la pancarte brandie par un homme tandis que des automobilistes, agitant drapeaux américains ou au nom de Donald Trump, klaxonnaient.

Pour soutenir les petites entreprises en détresse et tenter de garantir leurs emplois, le Congrès doit approuver jeudi un nouveau plan d’aide de près de 500 milliards de dollars, qui financera aussi les hôpitaux et renforcera la capacité de dépistage, un facteur jugé crucial pour pouvoir relancer l’activité économique.

Face aux Etats qui se préparent à une « réouverture », le gouverneur de New York, épicentre de la pandémie aux Etats-Unis, a lui lancé cet avertissement retentissant: « Nous ne pouvons pas être stupides ».

« Je comprends la pression » que peuvent ressentir gouverneurs pour assouplir les règles, a déclaré le démocrate Andrew Cuomo, tout en rejetant catégoriquement l’argument voulant que la paralysie de l’économie et le confinement soient pire que le risque de voir l’épidémie se propager.

« Oui, il s’agit de votre vie (…). Vous pouvez faire ce que vous voulez. Sauf que vous êtes maintenant responsable de ma vie », a-t-il expliqué. « Il ne s’agit pas que de vous ».

Andrew Cuomo a salué le « léger recul » de l’épidémie dans son Etat mais a averti: « si nous sommes irresponsables aujourd’hui (…), nous verrons ce taux d’hospitalisations monter d’ici trois, quatre, cinq jours ».

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