Yémen: 14 morts dans des inondations à Aden, craintes du coronavirus

Des inondations ont tué 14 personnes et fait des dizaines de blessés à Aden, principale ville du sud du Yémen, ont annoncé mercredi les autorités, sur fond de craintes d’une propagation du nouveau coronavirus dans le pays en guerre.

« Les inondations à Aden ont tué 14 personnes, des hommes, des femmes et des enfants », a déclaré à l’AFP le vice-Premier ministre yéménite, Salem al-Khanbashi.

« Nous avons besoin d’une aide urgente dans le secteur de la santé pour stopper la propagation des maladies, en particulier le choléra et d’autres infections virales qui peuvent tuer les gens », a alerté ce responsable qui dirige le haut comité des secours.

Mardi, au moins sept personnes ont péri et 85 blessées mardi dans plusieurs provinces du nord en proie aux intempéries, selon l’ONU.

Au total, au moins 21 Yéménites ont trouvé la mort dans des inondations ces dernières 48 heures dans ce pays le plus pauvre de la péninsule arabique.

La capitale Sanaa et d’autres régions du pays –surtout dans le nord– subissent depuis plusieurs semaines par de fortes pluies, dans un pays déjà touché par la pire crise humanitaire au monde selon l’ONU, et qui a officiellement enregistré un premier cas de nouveau coronavirus début avril.

Depuis 2014, le gouvernement yéménite, soutenu à partir de 2015 par une coalition armée dominée par l’Arabie saoudite, est en guerre contre les rebelles Houthis, aidés par l’Iran, qui contrôlent Sanaa et plusieurs pans du nord du pays.

Plus de trois millions de Yéménites ont été déplacés en raison du conflit, le plus souvent dans des camps particulièrement exposés au risque de propagation de maladies, comme le choléra et le paludisme.

« Des gens sont morts, des maisons ont été endommagées, des (camps de déplacés) ont été touchés et ces inondations pourraient accélérer la propagation du choléra », a mis en garde mercredi Samah Hadid, responsable de l’ONG Oxfam.

Selon Mme Hadid, « il pourrait y avoir un million de cas de choléra cette année avec le début de la saison des pluies au Yémen », évoquant également « la menace sérieuse du coronavirus dans le pays ».

– Eau et boue –

Mercredi à Aden, capitale du sud et siège provisoire du gouvernement, déclarée « zone sinistrée » la veille par le Premier ministre yéménite Maïn Abdelmalak Saïd, des centaines de véhicules flottaient dans des rues inondées.

Au moins dix maisons ont été détruites et 90 autres endommagées, selon un responsable du gouvernement. Pas moins de 35 familles étaient bloquées dans leurs foyers inondés, ont indiqué des résidents d’Aden.

« Il y a de l’eau et de la boue chez moi, les voitures ont été balayées le long des rues, qui sont à présent complètement détruites », a dit l’un d’eux, Mohammed Abdel Hakim.

Ces intempéries ont touché les déplacés dans l’ensemble du pays, a indiqué mercredi le Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR), notamment à Marib, l’un des derniers bastions du gouvernement dans le nord où de violents affrontements ont éclaté ces dernières semaines entre loyalistes et rebelles.

« Beaucoup de familles ont perdu leur abri, et tout ce qu’elles détenaient », a écrit le HCR sur Twitter.

Environ 24 millions de Yéménites –plus de 80% de la population– dépendent d’une forme d’aide ou de protection, selon l’ONU.

ONU: un projet de résolution sur le Covid-19 enfin sur la table du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité de l’ONU a commencé mercredi à travailler sur un projet de résolution co-rédigé par la Tunisie et la France, qui réclame « une coordination renforcée » face au Covid-19 et une « cessation des hostilités » dans les pays à son agenda, selon le texte obtenu par l’AFP.

Depuis le début de la pandémie, le Conseil de sécurité est resté largement silencieux pour cause de fortes divisions entre ses membres permanents, notamment les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Il s’est borné, à l’initiative de Berlin, à tenir le 9 avril sa première réunion exclusivement consacrée au Covid-19, sans toutefois d’adoption d’un texte fort à la clé.

Le projet de la Tunisie et de la France, de trois pages, a été remis mercredi matin aux 15 membres du Conseil de sécurité. Des discussions vont débuter « bientôt » après la remise par les membres de leurs « commentaires », ont indiqué des diplomates sous couvert d’anonymat.

« Il n’y aura pas de négociations en tant que telles », prédit un troisième diplomate, également sous couvert d’anonymat, en évoquant un vote qui pourrait intervenir en début de semaine prochaine.

Une impulsion décisive pour une adoption pourrait être donnée par une visioconférence des dirigeants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité qui est envisagée ce vendredi, selon des médias russes.

Le texte de la Tunisie et de la France est le fruit de deux négociations et de deux projets concurrents, menés depuis un mois, d’un côté sous la houlette de Tunis par les dix pays non membres permanents du Conseil, et de l’autre sous la direction de Paris avec uniquement ses cinq membres permanents.

Le projet souligne « le besoin urgent d’une coordination renforcée parmi tous les pays » pour combattre la pandémie. Il « demande une cessation générale et immédiate des hostilités dans tous les pays à (l’)agenda » du Conseil de sécurité, en soutien des efforts en ce sens du secrétaire général de l’ONU.

Antonio Guterres avait lancé le 23 mars un appel à un cessez-le-feu général dans le monde pour mieux lutter contre le Covid-19 et demandé depuis au Conseil de sécurité de soutenir cette démarche.

– « Pause humanitaire » –

« Il est très important que le Conseil de sécurité parle d’une seule voix sur la crise actuelle qui affecte le monde entier », a répété mercredi le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, lors de sa conférence de presse quotidienne. « Nous aimerions beaucoup une voix forte du Conseil de sécurité », a-t-il insisté.

Le projet de résolution demande aussi « à toutes les parties dans des conflits armés d’observer une pause humanitaire d’au moins 30 jours consécutifs » pour permettre la délivrance d’une assistance humanitaire aux populations les plus éprouvées.

Le texte prévoit des exceptions pour les opérations militaires contre l’Etat islamique en Irak et au Levant, les groupes Al-Qaïda et Al-Nosra ainsi que toutes les autres entités « terroristes » listées par le Conseil de sécurité.

Via ce projet, le Conseil demanderait aussi au secrétaire général de le tenir régulièrement informé de la lutte de l’ONU contre le Covid-19 dans « les pays en conflit armés ou affectés par des crises humanitaires » et des implications pour les missions de paix.

Un paragraphe dans le projet relatif à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), décriée depuis une quinzaine de jours par les Etats-Unis qui ont suspendu leur participation financière à cette agence de l’ONU pour protester contre son manque supposé de réactivité, est laissé en blanc, devant « être décidé à la fin de la négociation ».

Le sujet pourrait être abordé lors de la vidéoconférence planifiée prochainement par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Russie, Chine, France et Royaume Uni).

Les dix membres non permanents du Conseil de sécurité sont outre la Tunisie, l’Allemagne, l’Indonésie, la Belgique, la République dominicaine, l’Afrique du Sud, l’Estonie, le Niger, Saint-Vincent et les Grenadines, et le Vietnam.

Au terme d’un mois de négociations, ces pays, excédés par les atermoiements des membres permanents, étaient la semaine dernière parvenus à un projet de résolution définitif, ne comportant plus que deux paragraphes entre crochets liés à une demande de levée de sanctions internationales poussée par l’Afrique du Sud. Aucune demande de vote n’avait cependant suivi.

Le Pentagone considère Kim Jong Un en « plein contrôle » du programme nucléaire nord-coréen

Le Pentagone n’a aucune information permettant de dire que Kim Jong Un a perdu le contrôle du programme nucléaire nord-coréen, a indiqué mercredi un haut responsable de l’état-major américain questionné sur les rumeurs sur les problèmes de santé du dirigeant nord-coréen.

En dehors des informations de presse, « je peux vous dire que selon nos renseignements, je n’ai rien pour confirmer ou démentir quoi que ce soit », a déclaré le chef d’état-major adjoint des Etats Unis, le général John Hyten, au cours d’une conférence de presse.

« Je pars du principe que Kim Jong Un a encore le plein contrôle de la force nucléaire nord-coréenne et des forces armées nord-coréennes », a-t-il ajouté.

La Corée du Nord a marqué le 15 avril le 108e anniversaire de la naissance du fondateur du régime, Kim Il Sung, grand-père du dirigeant actuel. Cette date est de loin la plus importante du calendrier politique au Nord. Mais Kim Jong Un n’a été vu sur aucune des photographies officielles.

Daily NK, un média en ligne géré essentiellement par des Nord-Coréens ayant fait défection, a affirmé que le dirigeant nord-coréen avait été opéré en avril pour des problèmes cardio-vasculaires et qu’il était en convalescence dans une villa dans la province de Phyongan du Nord.

La Maison Blanche est elle aussi restée prudente sur ces informations.

Le président américain Donald Trump a souhaité mardi « bonne chance » à Kim Jong Un, tout en soulignant que les rumeurs sur ses éventuels problèmes de santé n’avaient pas été confirmées.

« Je veux juste dire à Kim Jong Un que je lui souhaite bonne chance », a déclaré M. Trump.

« Si son état de santé est celui mentionné dans les médias, c’est un état très préoccupant », a-t-il ajouté. « Personne n’a confirmé cela », a-t-il précisé. « Nous ne savons pas », a-t-il insisté, avant de conclure: « J’espère le voir en bonne santé ».

Les autorités sud-coréennes ont toutefois minimisé ces informations. Un haut responsable sud-coréen cité par l’agence de presse Yonhap a notamment affirmé, sous couvert de l’anonymat, qu’il n’était « pas vrai » que Kim Jong Un était gravement malade.

Yémen: huit morts dans des inondations à Aden, craintes du coronavirus

Des inondations ont tué huit personnes, dont cinq enfants, et fait des dizaines de blessés à Aden, la principale ville du sud du Yémen, ont indiqué des responsables mercredi, sur fond de craintes d’une propagation du nouveau coronavirus dans le pays en guerre.

Au total, au moins 15 Yéménites ont trouvé la mort dans des inondations en 48 heures dans le pays le plus pauvre de la péninsule arabique. Au moins sept personnes ont péri et 85 blessées mardi dans plusieurs provinces du nord en proie aux intempéries, selon l’ONU.

La capitale Sanaa et d’autres régions du pays surtout du nord sont touchées depuis plusieurs semaines par de fortes pluies, dans un pays déjà touché par la pire crise humanitaire au monde selon l’ONU, et qui a officiellement enregistré un premier cas de nouveau coronavirus début avril.

Depuis 2014, le gouvernement yéménite, soutenu par une coalition armée dominée par l’Arabie saoudite, est en guerre contre les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran, qui contrôlent Sanaa et plusieurs pans du nord du pays.

Plus de trois millions de Yéménites sont déplacés en raison du conflit, le plus souvent dans des camps particulièrement exposés au risque de propagation de maladies, notamment hydriques comme le choléra et le paludisme.

« Des gens sont morts, des maisons ont été endommagées, des (camps de déplacés) ont été touchés et ces inondations pourraient accélérer la propagation du choléra », a mis en garde mercredi Samah Hadid, responsable du plaidoyer à l’ONG Oxfam.

Selon Mme Hadid, « il pourrait y avoir un million de cas de choléra cette année avec le début de la saison des pluies au Yémen », évoquant également « la menace sérieuse du coronavirus dans le pays ».

Mercredi à Aden, capitale du sud et siège provisoire du gouvernement, déclarée « zone sinistrée » la veille par le Premier ministre yéménite Maïn Abdelmalak Saïd, des centaines de véhicules flottaient dans des rues inondées.

Au moins dix maisons ont été détruites et 90 autres endommagées, selon un responsable du gouvernement. Pas moins de 35 familles étaient bloquées dans leurs foyers inondés, ont indiqué des résidents d’Aden.

« Il y a de l’eau et de la boue chez moi, les voitures ont été balayées le long des rues, qui sont à présent complètement détruites », a dit l’un d’eux, Mohammed Abdel Hakim.

Ces intempéries ont touché les déplacés dans l’ensemble du pays, a indiqué mercredi le Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR), notamment à Marib, l’un des derniers bastions du gouvernement dans le nord où de violents affrontements ont éclaté ces dernières semaines entre loyalistes et rebelles.

« Beaucoup de familles ont perdu leur refuge, et tout ce qu’elles détenaient », a écrit le HCR sur Twitter.

Environ 24 millions de Yéménites –plus de 80% de la population– dépendant d’une forme d’aide ou de protection, selon l’ONU.

Covid-19: le Niger redoute de nouvelles violences à l’approche du ramadan

L’approche du ramadan fait craindre une flambée de violences au Niger, où des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes contre le couvre-feu et l’interdiction des prières collectives, décrétés pour lutter contre la propagation du coronavirus.

« Nous, on veut seulement prier dans nos mosquées, sans violences, rien de plus et nous sommes décidés à exercer ce droit religieux », menace Hassane Dari, un jeune commerçant du Lazaret, un quartier populaire de Niamey, interrogé par l’AFP mercredi.

« On n’a pas pu faire les prières collectives les vendredis et on veut en plus nous empêcher les prières durant le mois béni de ramadan ? Ca ne va pas se passer comme ça ! », se révolte Hadjia Aïssa, une ménagère de Banizoumbou, un quartier voisin de Lazaret.

Les troubles ont commencé il y a un mois dans une localité du centre de ce pays profondément musulman, dès l’annonce par le gouvernement des mesures de lutte contre l’épidémie, en particulier la fermeture des mosquées, avant de s’étendre à la capitale depuis près d’une semaine.

Les forces de l’ordre ont interpellé près de 300 personnes ces derniers jours, alors que le ramadan doit bientôt débuter dans ce pays très pauvre d’Afrique de l’Ouest.

Bien que le Niger soit relativement peu touché par l’épidémie de coronavirus, avec 657 cas dont 20 décès selon un bilan officiel mardi, les autorités avaient pris dès le début il y a un mois des mesures drastiques pour stopper sa propagation : fermeture des frontières, état d’urgence, couvre-feu, fermeture des lieux de culte et des écoles, isolement de Niamey du reste du pays.

Les émeutes ont débuté le 23 mars dans la localité de Mirrya (région de Zinder, centre), où des jeunes armés de gourdins et d’armes blanches ont incendié des bâtiments et des véhicules, selon les autorités.

Une semaine après, dans la région de Tahoua (ouest), des manifestants ont envahi les rues de la commune d’Illéla, ciblant la mairie et des biens particuliers qu’ils ont incendiés.

Dans ces villes, des dizaines de manifestants ont été arrêtés et écroués, selon les autorités.

Les troubles se sont poursuivis à Niamey à partir de vendredi dernier, prenant une ampleur inédite.

Une dizaine de quartiers de la capitale, dont Lazaret et Banizoumbou, se sont « embrasés » dimanche soir, des troubles ayant été menés par « des individus organisés » ayant bravé le couvre-feu pour « brûler des pneus et s’attaquer à des biens privés », a dénoncé à la télévision mardi le gouverneur de Niamey Issaka Assane Karanta.

– Nombreuses interpellations –

Au moins 108 manifestants ont été arrêtés lors d’une première vague entre le 17 et le 19 avril. Dix d’entre eux ont été écroués à la prison de haute sécurité de Koutoukalé, selon la police.

Les manifestations se sont poursuivies lundi soir et 166 personnes ont encore été interpellées, a indiqué la police mercredi. Les personnes ont été arrêtées « dans le feu de l’action : en train de détruire les routes, de casser les lampadaires pour ériger des barricades, de mettre le feu à des pneus ».

Selon des publications sur les réseaux sociaux, où les émeutiers diffusent parfois en direct leur actions, de nouvelles manifestations ont eu lieu mardi dans la nuit à Niamey.

Pour tenter de calmer les esprits, les autorités et d’influents chefs religieux multiplient les appels aux fidèles.

« La terre entière » est une « mosquée, sauf le cimetière et les toilettes. Fuyez devant les maladies contagieuses, comme vous fuirez devant un lion. Ne mettez pas ensemble les personnes contaminées et les personnes en bonne santé. Il faut les séparer », a martelé la semaine dernière à la télévision le président nigérien Mahamadou Issoufou.

Le 18 avril, le Conseil islamique du Niger, plus haute instance religieuse nationale, a « demandé à toute la population de faire preuve d’endurance » et de « s’abstenir de tout attroupement (dans les mosquées) dans le seul but de se protéger et de protéger les autres ».

Le Conseil prévient que « toutes les mesures de prévention seront maintenues et renforcées », aussi « longtemps que durera la chaîne de contamination » du nouveau coronavirus.

« Pour éviter une amplification de la violence, ils vont certainement lever le couvre-feu et rouvrir les mosquées juste pour la durée du ramadan », affirme Allassane Issa, riverain d’une mosquée de Danzama-Koira, autre quartier de la capitale.

A Niamey, une ville de 1,5 million d’habitants, « il y a une mosquée presque à chaque coin de rue » donc « il est difficile de tout contrôler », constate-t-il.

Le Niger a déjà connu des troubles religieux graves.

Après la publication de caricatures du prophète Mahomet par le journal français Charlie Hebdo en 2015, des émeutes antichrétiennes avaient fait dix morts à Niamey et détruit la plupart des églises de la capitale et de Zinder. Le Niger compte dans sa population seulement 1 à 2% de chrétiens.

Outre la pandémie de coronavirus, le Niger fait face depuis plusieurs années à une spirale de violences de groupes jihadistes, qui frappe toute la région sahélienne.

Coronavirus: des ouvriers du Dakota envoyés à l’abattoir

Ancien réfugié érythréen en Ethiopie, Andom Yosef passe depuis des années ses nuits à découper des carcasses de porcs dans une usine du Dakota du Sud. Comme plus de 700 de ses collègues, la plupart immigrés, il a attrapé le coronavirus.

Depuis qu’il est arrivé, en 2007, dans ce coin reculé des Etats-Unis à la recherche d’une vie meilleure, il ne s’est jamais plaint des conditions de travail pourtant particulièrement pénibles: « Mon boulot n’est pas si dur par rapport à d’autres ».

Après avoir enduré pendant sept ans la misère d’un camp de réfugiés, il s’est habitué sans rechigner aux quarts nocturnes, dans le froid, à la promiscuité sur les lignes de production et à la répétition de tâches physiques et ingrates.

Mais lorsque le nombre de cas positifs au Covid-19 a commencé à exploser entre les murs de briques de l’usine, Andom Yosef, 38 ans, n’a pas pu cacher son inquiétude.

« J’ai demandé à être testé. J’ai eu un rendez-vous et on m’a dit après trois ou cinq jours que j’étais positif, qu’il ne fallait plus que j’aille travailler et que je devais rester à la maison », raconte-t-il à l’AFP sur le pas de sa porte.

En quarantaine depuis près de deux semaines avec sa compagne et ses deux enfants, il dit à travers son masque de protection qu’aucun d’entre eux n’a présenté le moindre symptôme.

– Tour de Babel industrielle –

L’entreprise Smithfield Foods emploie à Sioux Falls, la plus grande ville du Dakota du Sud, quelque 3.700 personnes pour abattre, découper, cuire et empaqueter les milliers de cochons qui arrivent chaque jour dans son énorme complexe dressé sur les bords de la rivière Big Sioux.

Une tour de Babel industrielle au sein de laquelle se côtoient immigrés et réfugiés d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique souvent reconnaissants d’y avoir trouvé, sans qualifications, un emploi payé légèrement au-delà du salaire minimum.

« On aime cette entreprise, elle nous a permis d’élever nos enfants », confie Abebe Lamesgin, arrivé d’Ethiopie il y a une quinzaine d’années avec sa femme, ouvrière chez Smithfield.

Leur rêve américain — maison avec garage individuel dans une banlieue résidentielle proprette, réussite sociale des deux aînés, diplômés — a viré à l’aigre lorsque madame a été diagnostiquée positive au coronavirus.

« L’entreprise pour laquelle je travaille nous a informés sur la maladie et la façon de s’en protéger. Smithfield n’a rien fait », regrette Abebe Lamesgin, menuisier de 54 ans également prêtre à ses heures d’une église orthodoxe éthiopienne.

« Ils doivent faire des profits, gagner de l’argent, c’est une bonne chose. Mais sans les gens, il n’y a pas de bénéfices », assène-t-il d’un ton martial, l’index levé comme s’il prêchait devant ses fidèles.

– « Les uns sur les autres » –

Kooper Caraway, jeune président de la section locale d’un syndicat ouvrier, affirme que « la sonnette d’alarme » a été tirée dès début mars, mais que la direction de Smithfield n’a à l’époque « pas pris la menace suffisamment au sérieux ».

« C’est un vieux bâtiment, les couloirs et les escaliers sont très étroits. Les travailleurs sont les uns sur les autres dans les vestiaires, à la cantine… L’usine n’a pas été conçue pour la distanciation sociale », décrit le leader syndicaliste de 29 ans.

Résultat: avec plus de 900 cas — 761 parmi les employés et 143 chez leurs proches, selon les derniers chiffres mardi — et deux décès, l’usine de Sioux Falls est devenue le plus gros foyer de contagion des Etats-Unis sur un site unique.

Smithfield Foods assure dans un communiqué à l’AFP « faire tout ce qui est en (son) pouvoir pour protéger (sa) main d’oeuvre » et liste une série de mesures prises à cet effet, comme la multiplication des distributeurs de gel désinfectant, l’installation d’écrans en plexiglas ou la prise de température à l’entrée du site.

– Prime de 500 dollars –

L’entreprise « dément » par ailleurs « fermement » avoir voulu forcer la main des ouvriers en promettant une prime de 500 dollars à ceux qui n’auraient pris aucun jour de congé maladie en avril.

Elle évoque une récompense exceptionnelle pour le « dévouement » de ses troupes en temps de crise; les syndicats y voient eux une « incitation irresponsable » à aller travailler même en étant malade.

« Il est beaucoup plus facile pour la direction d’écrire un chèque que de s’assoir pour remettre en question son modèle de production et ses mesures de sécurité », soupire Kooper Caraway dans son local syndical.

Sous la pression des autorités de l’Etat, l’usine de Sioux Falls, qui représente à elle seule 4 à 5% de la production de porc aux Etats-Unis, a fermé ses portes le 12 avril jusqu’à nouvel ordre.

Les colonnes de fumée qui s’élèvent habituellement dans le ciel de la ville ont disparu. Les semi-remorques stationnent à vide devant les plateformes de chargement et seules quelques voitures abandonnées occupent encore les immenses parkings de terre réservés aux employés.

Payé par l’entreprise pendant sa quarantaine, l’Erythréen Andom Yosef dit n’avoir « pas peur », une fois qu’elle rouvrira, de retourner travailler à l’usine pour nourrir les Américains confinés.

Même si, ironie du sort et de la mondialisation, Smithfield Foods appartient à un groupe chinois.

Ethiopian Airlines, la première compagnie africaine, se bat « pour sa survie »

Début mars, le Pdg d’Ethiopian Airlines, Tewolde Gebremariam, affirmait lors d’une conférence aéronautique à Addis Abeba que la pandémie de nouveau coronavirus n’était qu’un « problème temporaire », comparable à un désastre naturel ou à une hausse brutale du prix du pétrole.

Un mois plus tard, le discours de M. Tewolde a radicalement changé. La première compagnie aérienne d’Afrique est en « lutte pour sa survie », reconnaît-il. Et pour y parvenir, elle cherche à augmenter son activité de fret et à retarder les paiements dus pour la location d’avions.

« Pour être honnête, jamais je n’aurais pensé que nous en arriverions là », concède M. Tewolde dans une interview à l’AFP. « Je n’aurais jamais pensé que ça se répandrait comme ça, à cette vitesse, et avec une telle ampleur. Ca va juste trop vite, ça coûte trop cher et c’est au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer. »

En Afrique, les compagnies aériennes pourraient perdre 6 milliards de dollars (5,5 milliards d’euros) de revenus passagers en 2020 à cause du coronavirus, comparé à l’année 2019, selon l’Association internationale du transport aérien (Iata).

Ethiopian Airlines, joyau détenu par l’État de l’économie éthiopienne et source vitale de devises étrangères, a déjà annoncé avoir perdu 550 millions de dollars de revenus depuis janvier.

« Si vous vous mettez à ma place, la seule manière d’avancer pour Ethiopian Airlines est d’augmenter ou de concentrer ses ressources, son énergie et son temps sur des secteurs qui ne sont pas affectés par le coronavirus », constate M. Tewolde.

La compagnie a commencé à jouer un rôle majeur dans la lutte contre le coronavirus en Afrique en distribuant de l’équipement médical sur tout le continent. Malgré ça, elle pourrait ne pas pouvoir survivre plus de trois mois avant de devoir chercher de l’aide financière à l’extérieur, prévient son Pdg.

« Est-ce que nous serons capables de résister avec seulement 15% de nos revenus? », s’interroge-t-il, en référence à ce que rapporte l’activité fret. « Pour une courte période oui. Mais pour combien de temps? C’est difficile à prédire. »

– Hausse des activités de fret –

Lors des premières semaines après l’apparition de la pandémie en Afrique, Ethiopian Airlines a été critiquée en Ethiopie pour avoir maintenu ses vols vers la Chine, d’où provient le virus, à la différence de ses concurrents comme Kenya Airways.

Mais M. Tewolde assure que si c’était à refaire, il reprendrait la même décision. Il souligne que le premier cas officiellement recensé de Covid-19 en Ethiopie a été un Japonais arrivé dans le pays depuis le Burkina Faso.

Les routes chinoises constituent aujourd’hui le cœur des opérations de fret d’Ethiopian Airlines, alors que le monde entier tente de se fournir en équipements médicaux produits en Chine.

Mais cette tâche est rendue plus difficile par la baisse vertigineuse du trafic passager, les avions passagers pouvant aussi transporter des marchandises.

« En ce moment, on manque cruellement d’avions cargo en partance de Chine », observe Craig Jenks, de la société new-yorkaise de conseil aéronautique Airline/Aircraft Projects Inc. consultancy.

Le coût des vols cargo longue distance est « au moins le double de la normale », ajoute ce dernier.

Au début de la crise, Ethiopian Airlines avait 12 avions dédiés au fret. La compagnie a depuis modifié « 10 à 15 » avions passagers en enlevant les sièges pour renforcer sa flotte, explique M. Tewolde.

Elle reste assez loin des capacités cargo de concurrents comme Emirates ou Qatar Airways. Mais selon M. Jenks, elle peut espérer tirer à terme de ses opérations de fret jusqu’à 40% de ses revenus habituels.

– La même stratégie à long terme –

Ethiopian Airlines se consacre également à des activités propres à cette ère nouvelle du coronavirus.

De hauts responsables américains et japonais l’ont ainsi remerciée pour avoir rapatrié certains de leurs compatriotes depuis des pays africains.

Lundi, la compagnie a fini de distribuer le second lot de masques, kits de dépistage, ventilateurs et autres équipements médicaux donnés aux pays africains par le milliardaire chinois Jack Ma.

Et la semaine dernière, l’Éthiopie et les Nations unies ont ouvert une plate-forme de transport humanitaire à l’aéroport d’Addis Abeba pour acheminer des équipements et des travailleurs humanitaires à travers l’Afrique.

Mais alors que le coût financier de la crise ne fait que s’accroître, Ethiopian Airlines a commencé à discuter d’un report des versements liés à la location d’avions et pourrait aussi réclamer un délai pour le remboursement de 2 milliards de dollars de dette.

La compagnie se dit déterminée à ne licencier aucun de ses employés permanents, mais n’exclut pas de devoir imposer des baisses de salaire si la crise devait perdurer, selon M. Tewolde.

Il estime que l’expansion actuelle du secteur du fret pourrait fléchir dès le mois de juin, alors que le trafic passager pourrait continuer à tourner au ralenti longtemps après que les pays auront levé les restrictions sur les vols.

Malgré tout, Ethiopian Airlines n’a pas modifié sa stratégie de croissance à long terme, qui passe notamment par la construction d’un nouvel aéroport d’un coût de 5 milliards de dollars à Addis Abeba. « Nous ferons tout pour survivre », assure son Pdg.

En Algérie, les détenus « oubliés » du Hirak

Ils sont les « oubliés » du mouvement populaire (« Hirak ») antirégime en Algérie. Des dizaines de détenus qui attendent leur procès, certains depuis plus d’un an, dans un silence assourdissant et un isolement accentué par la crise sanitaire due au nouveau coronavirus.

Ils ne jouissent pas du statut d’opposant politique, vivent souvent loin d’Alger, la capitale du Hirak, et sont parfois assimilés à des voyous. Face à l’indifférence quasi générale, leurs familles ne savent plus vers qui se tourner.

C’est ainsi que des groupes de mères de détenus se sont créés, après des rencontres dans les prétoires algérois, pour partager leurs déboires. Aujourd’hui, ces compagnes d’infortune se soutiennent mutuellement pour sauver leurs enfants.

Zakia Hanane est la mère de Zinedine, 32 ans, arrêté le 1er mars 2019 à Alger au retour d’une manifestation du Hirak après que deux voisins du quartier sont montés dans la même voiture que lui. L’un deux, réparateur TV, a reconnu avoir ramassé un écran plasma dans la rue pour récupérer les pièces. Mais la justice les a tous mis dans le même sac et les a accusés de vandalisme.

« Le +Hirak+ et la justice les ont oubliés, et avec le coronavirus ils paient lourdement cet oubli. C’est la double peine avant le jugement », se désole Zakia, qui en a perdu le sommeil.

La vie de ces familles, souvent issues de milieux modestes, s’est arrêtée le jour de leur arrestation. Il a fallu prendre des avocats et les rémunérer.

Leur désespoir s’est accru avec la pandémie du Covid-19 et l’annulation des visites au parloir, même si, selon les autorités, aucune contamination n’est à déplorer dans les geôles.

– « Criminaliser le Hirak » –

Kaddour Chouicha, militant des droits humains à Oran (nord-ouest), estime que « la détention préventive reste une arme puissante dans les mains de ceux qui criminalisent l’activité politique, syndicale, associative, et maintenant les membres du +Hirak+ ».

Certains détenus attendent leur procès depuis plus d’un an. Ils ont vu arriver, puis partir, d’autres prisonniers du Hirak, libérés ou condamnés à une peine déjà purgée.

Les autorités algériennes ne communiquent pas sur le sujet.

Quant aux ONG de la société civile, elles sont partagées sur le statut de ces prisonniers — d’opinion ou non?–, mais s’accordent sur le fait qu’ils ne doivent pas croupir en préventive.

La plupart des avocats les ont traités comme des détenus de droit commun, alors que, selon lui, ils sont incarcérés pour des faits liés au Hirak, dit Hakim Addad, ex-prisonnier, militant du Rassemblement Action Jeunesse(RAJ), mouvement à la pointe de la contestation.

D’autres conseils ont refusé de les défendre, excipant du « secret professionnel » pour ne pas révéler les circonstances ou les motifs de leur interpellation, observe Me Lydia Lounaouci, avocate à Bejaïa (nord-est).

Certains embastillés ont été impliqués –à tort ou à raison– dans des altercations, des vols ou des saccages en marge de marches du Hirak.

C’est le cas de Yazid Hadou, un « hirakiste » de Tlemcen (nord-ouest), arrêté en octobre 2019, accusé par la police de s’être battu avec un agent municipal avant l’élection présidentielle.

Son frère Hami demande qu’on le juge ou qu’on le libère. « Il avait un travail qu’il a perdu. Il est marié et a un enfant en bas âge ».

Hami raconte que leur mère est décédée sans pouvoir le voir. « Elle était malade et a mal supporté son incarcération. Aujourd’hui, je n’ose pas lui annoncer qu’elle est morte ».

– « Inadmissible » –

Le recours à la détention préventive était déjà devenu la règle et non l’exception avant le Hirak, qui a rendu le phénomène plus visible, selon les avocats et les militants des droits humains.

Ces derniers estiment à plus d’un millier le nombre de détenus –« hirakistes » ou non– en prison dans l’attente d’un hypothétique procès, malgré de récentes grâces présidentielles.

Kaddour Chouicha a rencontré à la prison d’Oran un homme accusé dans une affaire de drogue qui attend son procès depuis six ans.

La préventive, dit-il, frappe plus durement « ceux qui, isolés, démunis, sont placés dans un face-à-face inégal avec le visage réel de la répression ».

« Ils ne connaissent pas les mécanismes, ni les personnes à contacter. Ils n’ont pas d’argent. Leurs familles ne savent pas à quelle porte frapper », déplore M. Chouicha, lui-même ex-détenu du « Hirak ».

Hakim Addad, du RAJ, témoigne: « Un jeune de 23 ans était en isolement avec moi. Il n’a ni père ni mère, juste un frère et est en détention provisoire depuis 18 mois pour une bagarre. Il n’a pas les moyens de se payer un avocat ».

M. Addad estime que 20% à 30% des détenus de la prison d’El Harrach à Alger sont en préventive. « C’est inadmissible. Certains passent des mois en prison avant d’être acquittés ».

La médecine traditionnelle africaine monte au créneau face au coronavirus

Vous êtes positifs au coronavirus ? Pas de souci, buvez votre propre urine ! A l’image de ce conseil d’un herboriste congolais, la pandémie a fait fleurir les promesses de guérison les plus diverses en Afrique, où la médecine traditionnelle reste prisée et respectée.

Tisanes, décoctions, épices, fruits ou légumes… Sur les marchés ou dans les officines, la liste est longue des remèdes dont les tradipraticiens vous affirment, une main sur le coeur et, souvent, l’autre sur le porte-monnaie, qu’ils repoussent ou soignent le Covid-19.

Même les chefs d’Etat s’en mêlent. Celui de Madagascar, Andry Rajoelina, a d’abord vanté les qualités de guérison d’une tisane à base d’artemisia, une plante à l’efficacité scientifiquement prouvée contre le paludisme. Il a ensuite fait marche arrière en insistant sur ses vertus préventives, qui permettraient de renforcer le système immunitaire.

« Cette tisane donne des résultats en sept jours », a-t-il affirmé après l’avoir bue, arguant d’essais qui restent à publier. « On peut changer l’histoire du monde entier », a-t-il assuré.

Doyen de la faculté de médecine de Toamasina (est), le Dr Stéphane Ralandison a mis en garde contre les méthodes « pas bien scientifiques » autour de cette tisane.

Si elle reconnaît que certaines substances peuvent « atténuer les symptômes » du coronavirus, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a elle aussi rappelé qu’il n’existait pour l’heure « aucune preuve » qu’elles peuvent « prévenir ou guérir la maladie ».

Mais qu’importe. Faute d’un vaccin ou même d’un traitement efficace offert par la médecine occidentale, les tradipraticiens se sont engouffrés dans la brèche.

C’est la cas de Gabriel Nsombla, qui fait la publicité de ses potions sur les ondes d’une radio locale de République démocratique du Congo (RDC).

– ‘Tous guéris’ –

« Inhaler la vapeur d’un mélange d’écorce de manguier, des feuilles de papayer, du gingembre et d’une plante dont je garde le nom secret, assure une guérison certaine », claironne-t-il, « tous ceux qui viennent chez moi repartent guéris ».

Même s’il avoue ne pas avoir encore testé ses philtres sur des malades du Covid-19, le naturopathe camerounais Anselme Kouam certifie lui aussi que « la médecine traditionnelle peut contribuer à lutter contre le coronavirus ».

Il recommande les infusions à base d’ail et de gingembre, souvent cités pour leur capacité présumée à renforcer les défenses immunitaires. Ou l’usage des cristaux de menthe, à faire bouillir dans un seau d’eau.

« Il faut rapprocher sa tête du saut, la recouvrir avec une couverture puis respirer », détaille Anselme Kouam, « ça libère les voies respiratoires et c’est efficace contre ce virus ».

Dans un continent où les traditions restent vives, l’apparition du Covid-19, qui a fait jusqu’à présent près de 1.200 morts en Afrique, a vu les populations se ruer sur les remèdes des anciens.

Sans retenue et sans discernement parfois. En RDC, la radio onusienne Okapi a rapporté fin mars la mort de trois enfants qui avaient absorbé une plante médicinale pour prévenir une contamination par le virus.

Contrairement à leurs confrères chinois qui ont obtenu pignon sur rue et reconnaissance dans les pays occidentaux, les médecins traditionnels africains regrettent les railleries dont ils sont encore souvent la cible.

L’herboriste sud-africain Makelani Bantu déplore ainsi que son gouvernement n’ait pas daigné répondre à son offre de tester scientifiquement ses décoctions.

« On ne nous donne même pas l’occasion de parler », regrette-t-il depuis son officine de Pretoria. « Pour l’instant ils n’ont pas de solution contre le Covid-19, ils pourraient au moins essayer nos traitements. »

– Pharmacopée ‘autochtone’ –

« Il est temps d’associer les autochtones à la recherche de solutions », renchérit l’ethnologue congolais Sorel Eta, qui fréquente depuis un quart de siècle les pygmées Akas de la province de Likouala (nord).

« Ils connaissent les arcanes de la forêt, notamment toutes les essences médicinales qui s’y trouvent. Ils ont toujours soigné des maladies dont les symptômes s’apparentent à ceux du Covid-19 », plaide-t-il.

Au Bénin, le guérisseur et prêtre vaudou Bokonon Azonyihouès assure travailler d’arrache-pied avec ses collègues pour mettre au point un traitement.

« Autant que les grands laboratoires, nous faisons des recherches et des essais », explique le « sage », « la solution peut venir de l’une ou l’autre médecine ».

Jusque-là, les autorités sanitaires de plusieurs pays africains ont accueilli ces promesses avec prudence.

Début avril, l’Autorité ougandaise du médicament a publié une déclaration interdisant la publicité pour les remèdes traditionnels dans les médias publics, après l’arrestation d’un herboriste qui avait prétendu avoir identifié un traitement contre la maladie.

Ce praticien, Lazarus Kungu, a été inculpé de mise en danger de la santé publique.

Responsable de la lutte contre les épidémies au ministère camerounais de la Santé, Georges Etoundi Mballa assure toutefois ne pas écarter le recours à la médecine traditionnelle. « Tous ceux qui peuvent apporter une réponse scientifique (…) sont les bienvenus », dit-il.

Le porte-parole du ministère sud-africain de la Santé, Pop Maja, assure « respecter le rôle des guérisseurs traditionnels ». Jusqu’à un certain point. « Nous savons aussi que pour l’instant il n’y a pas de traitement contre le coronavirus », dit-il, « et chaque jour, je reçois 10 à 15 appels de gens qui disent qu’ils en ont trouvé un… »

burs-sn-pa/bed/sba

En Algérie, les détenus « oubliés » du Hirak

Ils sont les « oubliés » du mouvement populaire (« Hirak ») antirégime en Algérie. Des dizaines de détenus qui attendent leur procès, certains depuis plus d’un an, dans un silence assourdissant et un isolement accentué par la crise sanitaire due au nouveau coronavirus.

Ils ne jouissent pas du statut d’opposant politique, vivent souvent loin d’Alger, la capitale du Hirak, et sont parfois assimilés à des voyous. Face à l’indifférence quasi générale, leurs familles ne savent plus vers qui se tourner.

C’est ainsi que des groupes de mères de détenus se sont créés, après des rencontres dans les prétoires algérois, pour partager leurs déboires. Aujourd’hui, ces compagnes d’infortune se soutiennent mutuellement pour sauver leurs enfants.

Zakia Hanane est la mère de Zinedine, 32 ans, arrêté le 1er mars 2019 à Alger au retour d’une manifestation du Hirak après que deux voisins du quartier sont montés dans la même voiture que lui. L’un deux, réparateur TV, a reconnu avoir ramassé un écran plasma dans la rue pour récupérer les pièces. Mais la justice les a tous mis dans le même sac et les a accusés de vandalisme.

« Le +Hirak+ et la justice les ont oubliés, et avec le coronavirus ils paient lourdement cet oubli. C’est la double peine avant le jugement », se désole Zakia, qui en a perdu le sommeil.

La vie de ces familles, souvent issues de milieux modestes, s’est arrêtée le jour de leur arrestation. Il a fallu prendre des avocats et les rémunérer.

Leur désespoir s’est accru avec la pandémie du Covid-19 et l’annulation des visites au parloir, même si, selon les autorités, aucune contamination n’est à déplorer dans les geôles.

– « Criminaliser le Hirak » –

Kaddour Chouicha, militant des droits humains à Oran (nord-ouest), estime que « la détention préventive reste une arme puissante dans les mains de ceux qui criminalisent l’activité politique, syndicale, associative, et maintenant les membres du +Hirak+ ».

Certains détenus attendent leur procès depuis plus d’un an. Ils ont vu arriver, puis partir, d’autres prisonniers du Hirak, libérés ou condamnés à une peine déjà purgée.

Les autorités algériennes ne communiquent pas sur le sujet.

Quant aux ONG de la société civile, elles sont partagées sur le statut de ces prisonniers — d’opinion ou non?–, mais s’accordent sur le fait qu’ils ne doivent pas croupir en préventive.

La plupart des avocats les ont traités comme des détenus de droit commun, alors que, selon lui, ils sont incarcérés pour des faits liés au Hirak, dit Hakim Addad, ex-prisonnier, militant du Rassemblement Action Jeunesse(RAJ), mouvement à la pointe de la contestation.

D’autres conseils ont refusé de les défendre, excipant du « secret professionnel » pour ne pas révéler les circonstances ou les motifs de leur interpellation, observe Me Lydia Lounaouci, avocate à Bejaïa (nord-est).

Certains embastillés ont été impliqués –à tort ou à raison– dans des altercations, des vols ou des saccages en marge de marches du Hirak.

C’est le cas de Yazid Hadou, un « hirakiste » de Tlemcen (nord-ouest), arrêté en octobre 2019, accusé par la police de s’être battu avec un agent municipal avant l’élection présidentielle.

Son frère Hami demande qu’on le juge ou qu’on le libère. « Il avait un travail qu’il a perdu. Il est marié et a un enfant en bas âge ».

Hami raconte que leur mère est décédée sans pouvoir le voir. « Elle était malade et a mal supporté son incarcération. Aujourd’hui, je n’ose pas lui annoncer qu’elle est morte ».

– « Inadmissible » –

Le recours à la détention préventive était déjà devenu la règle et non l’exception avant le Hirak, qui a rendu le phénomène plus visible, selon les avocats et les militants des droits humains.

Ces derniers estiment à plus d’un millier le nombre de détenus –« hirakistes » ou non– en prison dans l’attente d’un hypothétique procès, malgré de récentes grâces présidentielles.

Kaddour Chouicha a rencontré à la prison d’Oran un homme accusé dans une affaire de drogue qui attend son procès depuis six ans.

La préventive, dit-il, frappe plus durement « ceux qui, isolés, démunis, sont placés dans un face-à-face inégal avec le visage réel de la répression ».

« Ils ne connaissent pas les mécanismes, ni les personnes à contacter. Ils n’ont pas d’argent. Leurs familles ne savent pas à quelle porte frapper », déplore M. Chouicha, lui-même ex-détenu du « Hirak ».

Hakim Addad, du RAJ, témoigne: « Un jeune de 23 ans était en isolement avec moi. Il n’a ni père ni mère, juste un frère et est en détention provisoire depuis 18 mois pour une bagarre. Il n’a pas les moyens de se payer un avocat ».

M. Addad estime que 20% à 30% des détenus de la prison d’El Harrach à Alger sont en préventive. « C’est inadmissible. Certains passent des mois en prison avant d’être acquittés ».