Suspecté d’avoir refusé de porter un maillot du Paris Saint-Germain avec le flocage LGBT, le milieu de terrain sénégalais est sous le feu des critiques depuis une semaine en France. Inversement, il est soutenu par plusieurs personnalités et institutions de son pays.
Le champion d’Afrique 2021 ne s’est toujours pas exprimé sur la polémique. Il a juste remercié, dans une courte vidéo partagée sur les réseaux sociaux, les nombreuses personnes qui ont applaudi ou compris son geste. Cette vague de soutiens continue sur les réseaux sociaux avec le hashtag #weareallidrissa dont se sont emparées plusieurs figures dans le monde, particulièrement musulmanes.
Selon certains observateurs, cette affaire rappelle le fossé culturel qui existe entre l’ex-puissance coloniale et son ancienne colonie, sur un sujet comme l’homosexualité. En France, la campagne de solidarité symbolique pour la communauté LGBT peut sembler anodine. Mais au Sénégal, elle passe pour une apologie déguisée de l’homosexualité, une « contre-valeur » réprimée par le code pénal du pays. Au-delà même, cette orientation sexuelle fait l’objet d’une vaste réprobation au sein de la société sénégalaise, où nul ne se risquerait à militer ouvertement pour les droits des homosexuels.
Samedi dernier, le joueur de 32 ans effectue le voyage avec son équipe dans le sud de la France. Déjà sacré champion pour la dixième fois de son histoire, le PSG devait affronter Montpellier pour le compte de la 37e et avant-dernière journée de la Ligue 1. Mais à la dernière minute, Gana sort de la feuille de match pour « raisons personnelles » alors qu’il n’est « pas blessé », selon son coach, l’Argentin Mauricio Pochettino, en conférence de presse. Les médias français sont interloqués.
Fossé culturel
Certains le suspectent d’avoir refusé de prendre part à la rencontre à cause des couleurs arc-en-ciel floquées sur les maillots de Ligue 1 lors de cette journée de championnat, dans le cadre de l’opération intitulée « Homos ou hétéros, on porte tous le même maillot », en marge de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie, célébrée chaque 17 mai.
Outre les médias, plusieurs observateurs se rendent vite compte que le Sénégalais avait déclaré aussi forfait l’année dernière, à la même période, pour le match contre Reims. Ils se servent de cette déduction pour l’accuser d’homophobe avant d’appeler à des sanctions à son encontre. « Les joueurs d’un club de football, et ceux du PSG en particulier, sont des figures d’identification pour nos jeunes. Ils ont un devoir d’exemplarité. Un refus d’Idrissa Gana Gueye de s’associer à la lutte contre l’homophobie ne pourrait rester sans sanction », a notamment déclaré Valérie Pécresse, candidate malheureuse de la dernière présidentielle française avec 5,1 millions d’euros de dettes.
La polémique prend de l’ampleur. Des plateaux sont organisés pour inviter Idrissa Gana Guèye à réagir et regretter son acte. Au milieu du vacarme, le Sénégalais demeure silencieux. Son entourage promet qu’il s’exprimera prochainement. Une position qui met dans tous leurs états certains responsables de la Fédération française de football (FFF) dont le Conseil national de l’éthique (CNE).
« De deux choses l’une, soit ces supputations sont infondées et nous vous invitons sans délai à vous exprimer afin de faire taire ces rumeurs. Nous vous invitons par exemple à accompagner votre message d’une photo de vous portant le maillot en question », écrit le 18 mai le CNE, pour qui « la situation est suffisamment grave pour adresser ce courrier » à Guèye.
La FSF répond à la FFF
« En refusant de participer à cette opération collective, vous validez de fait les comportements discriminatoires, le refus de l’autre, et pas uniquement contre la communauté LGBTQI + », enchérit le Conseil national de l’éthique dans le courrier signé par son président, Patrick Anton, avant de conclure : « L’impact du football dans la société et la capacité des joueurs à représenter un modèle pour ceux qui les admirent nous donnent à tous une responsabilité particulière ».
Si au Sénégal le président Macky Sall a très tôt affiché son soutien à son compatriote en appelant au respect de ses « convictions religieuses », la Fédération sénégalaise de football (FSF) a, pour sa part, attendu deux jours après pour réagir de manière incendiaire à la sortie de cet organe de la FFF.
« Est-on vraiment dans cette France que l’on nous avait contée et racontée dans nos écoles, celle qui a comme devise la liberté, la fraternité et de l’égalité pour tous ? Comment une instance qui prétend promouvoir l’éthique dans le Football peut se fonder sur des supputations pour s’adresser à une personne pour lui enjoindre de s’exprimer et pire encore de s’afficher avec le maillot aux couleurs LGBTQI+ pour mettre fin aux dites supputations ? », s’interroge, dans son communiqué, l’instance dirigée par Augustin Senghor, par ailleurs premier vice-président de la Confédération africaine de football (Caf).
« Manifestement et inconsciemment, au moment d’écrire sa lettre, le sieur Patrick Anton n’a pas pu s’empêcher de mettre en lien la situation qu’il décrit ou déplore avec la couleur (ou la religion) de Mr Idrissa Gana Guèye », a poursuivi l’avocat de profession, qui ajoute que la FSF est prêt à tout pour défendre son joueur. Ainsi, « elle se réserve le droit de saisir les instances internationales compétentes dans le domaine du sport ou en matière de droits de l’homme
pour que ce qui ressemble à un harcèlement institutionnalisé cesse ».