L’élection présidentielle sénégalaise, initialement prévue le 25 février 2024, a été repoussée par le président sénégalais Macky Sall, invoquant des raisons logistiques. Cette décision a provoqué la colère de l’opposition, qui dénonce un coup d’État du pouvoir en place et appelle à la mobilisation populaire. Le pays, considéré comme un modèle de démocratie en Afrique, est plongé dans une crise politique et sociale sans précédent.
Un contexte historique et économique favorable
Le Sénégal est un pays d’Afrique de l’Ouest, ancienne colonie française, qui a accédé à l’indépendance en 1960. Depuis lors, le pays a connu une stabilité politique remarquable, sans aucune tentative de coup d’État et a organisé des élections régulières et transparentes. Le Sénégal est également l’un des pays les plus dynamiques économiquement de la région subsaharienne, avec un taux de croissance moyen de 6 % entre 2014 et 2019.
Il est par ailleurs un acteur majeur de l’intégration régionale, en tant que membre fondateur de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui regroupe 15 pays et représente un marché de plus de 300 millions d’habitants. Le Sénégal contribue à hauteur de 15 % au produit intérieur brut (PIB) de la CEDEAO, derrière le Nigeria et la Côte d’Ivoire. Toutefois, la CEDEAO traverse actuellement une crise profonde, suite au départ annoncé du Mali, du Burkina Faso et du Niger, qui souhaitent rejoindre la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA).
Une élection présidentielle à haut risque au Sénégal
L’élection présidentielle de 2024 devait être un moment historique pour le Sénégal, avec le retrait du président sortant Macky Sall, au pouvoir depuis 2012, qui a respecté la limitation constitutionnelle à deux mandats. Au total, 93 candidats se sont déclarés pour briguer la magistrature suprême, mais seuls 20 ont obtenu les parrainages nécessaires pour participer à la campagne électorale. Parmi les rejetés, un nom suscite toutes les attentions : Ousmane Sonko.
Ousmane Sonko, 46 ans, est le leader du parti Pastef-Les Patriotes et le principal opposant au régime de Macky Sall. Ancien inspecteur des impôts, il s’est fait connaître du grand public en 2016 lorsqu’il a publié un livre intitulé Pétrole et gaz au Sénégal : chronique d’une spoliation, dans lequel il dénonce la corruption et le clientélisme du pouvoir en place, notamment dans la gestion des ressources naturelles. Il se présente comme le candidat de la rupture, porteur d’un projet de refondation nationale basé sur la souveraineté économique, la justice sociale et la démocratie participative.
Ousmane Sonko, également connu pour ses positions très critiques envers la France, l’ancienne puissance coloniale, qu’il accuse d’ingérence et de pillage. Il réclame notamment la sortie du franc CFA, la monnaie commune à 14 pays africains, qu’il considère comme un instrument de domination néocoloniale. Ce discours séduit une partie de la jeunesse sénégalaise, qui représente plus de 60 % de la population et qui souffre du chômage, de la pauvreté et du manque de perspectives. Par la suite, Sonko a été la cible de plusieurs attaques et intimidations de la part du pouvoir et de ses alliés.
Un report contesté et contestable
Le samedi 03 février 2024, le président Macky Sall a annoncé le report de l’élection présidentielle du 25 février 2024, invoquant des raisons logistiques. Selon le président, des difficultés techniques liées à la révision des listes électorales, à la distribution des cartes d’électeur et à l’acheminement du matériel de vote rendent impossible le respect des mesures barrières lors du scrutin. Depuis 1963, c’est la première fois qu’une présidentielle au suffrage universel direct est reportée au Sénégal.
L’opposition voit en cette décision une manœuvre du pouvoir pour se maintenir en place et empêcher l’alternance démocratique ; par conséquent, elle la rejette. L’opposition affirme que le report de l’élection viole la Constitution, qui stipule que le mandat du président expire le 2 avril 2024 et que le scrutin doit se dérouler entre 90 et 60 jours avant cette date. Elle accuse aussi le Conseil constitutionnel d’être sous l’influence du pouvoir et de ne pas assurer l’indépendance et l’impartialité du processus électoral.
L’opposition a appelé à une mobilisation populaire pour exiger le respect du calendrier électoral et le départ du président Macky Sall. Des manifestations ont éclaté dans plusieurs villes du pays, notamment à Dakar, la capitale, où des affrontements ont eu lieu entre les forces de l’ordre et les manifestants. Des organisations de la société civile, des syndicats, des médias et des personnalités religieuses ont également exprimé leur soutien à l’opposition et leur inquiétude face à la dégradation de la situation.
Un avenir incertain pour le Sénégal
Le report de l’élection présidentielle plonge le Sénégal dans une crise politique et sociale sans précédent, qui menace la stabilité et la démocratie du pays. Le dialogue entre le pouvoir et l’opposition semble rompu, et aucun compromis ne se dessine à l’horizon. Le risque d’une escalade de la violence est réel et pourrait avoir des conséquences dramatiques pour la population et pour la région. Longtemps considéré comme un exemple de démocratie en Afrique, aujourd’hui, le Sénégal fait face à un défi majeur pour préserver son héritage et son avenir.