Lomé, 10 février 2025 — Dans l’étouffante chaleur de janvier, alors que Lomé suffoquait sous le poids d’un silence complice, Karrou Wawim arrêté à Lomé le 21 décembre 2018, visage oublié des geôles togolaises, entamait une agonie silencieuse.
Les murs du CHU Sylvanus Olympio à Lomé, témoins glacés de son calvaire, ont vu défiler ses derniers sursauts : un corps brisé, incapable d’avaler le moindre morceau de vie, vomissant des flots écarlates. » Monsieur Karrou Wawim, admis depuis plusieurs mois au cabanon du CHU Sylvanus Olympio à Lomé, vomit avec des caillots de sang, présente de sérieuses difficultés hépatiques et gastriques, en plus d’une fatigue générale. « Il est actuellement en réanimation », avait alerté la Coalition de la Diaspora Togolaise pour l’Alternance et la Démocratie (CODITOGO). Des sources intimes murmurent que ses mains, encore menottées au lit d’acier, dessinaient des signes incompréhensibles, comme pour graver dans l’air l’ultime témoignage de sa détresse.
Karrou, militant infatigable de la Coalition C14, avait osé défier les mâchoires d’un pouvoir sans pitié. Arrêté il y a des années pour avoir brandi l’étendard de la liberté, il fut jeté dans les entrailles obscures des services de renseignement. Là, sous les projecteurs aveugles des interrogatoires, son corps devint un parchemin de douleur : des cicatrices racontaient des nuits de supplices, des os fracturés chuchotaient des méthodes d’un autre âge. En 2024, la Chambre d’accusation de la cour d’appel de Lomé, ébranlée par l’évidence de la barbarie, exigea une enquête. La Cour de justice de la CEDEAO, dans un élan rare, ordonna sa libération. Mais les décrets, ici, se dissolvent comme des larmes dans l’océan.
Un lit d’hôpital, cercueil de métal
Aujourd’hui, l’hôpital devient son sépulcre aseptisé. Les menottes, symbole d’une cruauté méthodique, claquent contre les barreaux du lit, accompagnant chaque râle. Les médecins, muets, détournent le regard. Les autorités, sourdes, invoquent des « procédures en cours ». Pendant ce temps, Karrou s’efface, cellule par cellule, sous les yeux d’une nation paralysée.
Hier, un murmure a traversé la ville : l’homme qui défiait les ténèbres aurait rendu son dernier souffle. Les proches, étouffés par le chagrin, parlent d’un week-end funèbre, où la douleur eut enfin raison de sa résistance. L’Association des Victimes de la Torture au Togo (ASVITTO), voix tremblante de colère, dénonce une « mort programmée ». « Ils l’ont tué deux fois : une fois par les coups, une fois par l’indifférence», lance un membre, sous couvert d’anonymat.
Karrou Wawim : l’héritage d’un silence
Karrou Wawim rejoint désormais la cohorte des ombres qui hantent l’histoire togolaise. Son crime ? Avoir cru que les mots « justice » et « dignité » pouvaient survivre sous les bottes. Son combat, réduit à un dossier poussiéreux, illustre l’implacable mécanique d’un système dans lequel la torture est un langage administratif.
Pourtant, dans les ruelles de Lomé, certains murmurent encore son nom. Des visages se crispent, des poings se serrent. Car chaque goutte de sang versée par Karrou est devenue une graine, enfouie dans la terre aride de l’impunité. Et l’on sait, dans l’ombre, que les graines finissent toujours par germer.