Propos recueillis par Hicham Alaoui – La Banque africaine de développement (BAD) a déployé des opérations d’urgence en faveur des pays d’Afrique du Nord pour faire face à la triple crise sanitaire, économique et sociale, liée à la pandémie de la Covid-19, a affirmé le Directeur général de la BAD pour la région de l’Afrique du Nord, Mohamed El Azizi.Ainsi, le Maroc a bénéficié fin mai de 264 millions d’euros en soutien à son plan de riposte à la pandémie et pour promouvoir sa relance économique. Début juin, l’institution panafricaine a approuvé un prêt de 180 millions d’euros en faveur de la Tunisie pour soutenir son programme d’appui à la réponse au Covid-19 par le biais du renforcement des dynamiques d’inclusion sociale et de création d’emploi, a-t-il rappelé dans une interview exclusive à APA.
Depuis le début de cette crise, la priorité de la BAD a été d’apporter une réponse rapide, globale à la hauteur des défis. « Notre action vise à protéger les populations vulnérables, préserver les emplois affectés et appuyer les entreprises fragilisées. À moyen terme, notre objectif est de contribuer à renforcer la résilience des pays de la région et à soutenir la relance de leurs économies », a-t-il informé.
Selon lui, les pays nord-africains ont, face à cette crise sans précédent, pris « des mesures sanitaires et budgétaires pour juguler l’impact de la pandémie ».
Revenant sur les objectifs spécifiques des opérations de la BAD dans les pays de la région, M. El Azizi a expliqué que pour la Tunisie, l’institution panafricaine soutient les mesures adoptées par le pays pour contenir la propagation du virus. « Nous renforçons le processus de dépistage précoce à travers l’utilisation de tests rapides au bénéfice de 450 000 personnes. En parallèle, cette opération permettra d’étendre la couverture sociale à plus de deux millions de personnes. Afin de préserver les emplois touchés, ce projet permettra aussi de conserver les emplois de 230.000 petits exploitants et de 320.000 salariés. Le programme aidera également à sauver de la faillite environ 250 000 entreprises individuelles », a-t-il enchaîné.
Au Maroc, la BAD contribue à augmenter le nombre de centres hospitaliers habilités à réaliser les dépistages virologiques et à soutenir les efforts du gouvernement visant à aider les 4,3 millions de ménages du secteur informel ainsi que 800.000 salariés affiliés à la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS), a indiqué le responsable de la BAD.
A cela s’ajoute la contribution de la BAD à faciliter l’accès au financement pour les auto-entrepreneurs et à renforcer la trésorerie des très petites et moyennes entreprises. « Ceci vise à préserver les emplois et promouvoir la reprise économique. Par le biais de ces mesures, nous nous attendons à préserver 75% des emplois affectés par la crise », a-t-il tenu à souligner.
Aussi, l’Égypte, la Mauritanie et la Libye ont bénéficié d’opérations d’urgence en soutien à leurs plans de riposte face aux conséquences de la pandémie.
Dans ce sens, le Conseil d’administration de la Banque a approuvé fin mai un financement de 500.000 dollars en faveur de l’Égypte avec pour finalité de renforcer la sécurité alimentaire des populations touchées par la pandémie et de consolider leurs moyens de subsistance.
« Dans cette même optique, nous venons de mobiliser une aide globale de 20 millions de dollars en faveur de la Mauritanie et des autres pays du G5 Sahel que sont le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Il s’agit là d’aider les communautés les plus vulnérables à endiguer la propagation du virus. Grâce à ces ressources, nous aiderons à renforcer les systèmes de surveillance épidémiologique et à soutenir les mesures de protection sociale », a fait savoir M. El Azizi.
En Libye, la BAD a également accordé une subvention de 480.000 dollars pour l’achat d’équipements de protection individuelle destinés à être utilisés dans les unités de soins intensifs, a-t-il poursuivi, ajoutant que ce financement permettra de privilégier la prévention et le contrôle des infections en protégeant les communautés les plus vulnérables et les agents de santé notamment.
Pour ce qui est de la croissance économique dans les pays de l’Afrique du Nord, le responsable de la BAD a expliqué que l’accélération de la levée des restrictions dans la région accentue l’incertitude qui laisse place à une reprise selon deux scénarios distincts. Le premier, de référence, table sur une sortie de crise ce mois-ci, alors que le second, plus pessimiste, voit persister la pandémie jusqu’en décembre 2020.
Selon le premier scénario, la croissance régionale perdrait 5,2 points de pourcentage, ce qui détériorerait la croissance à -0,8 %. Ce recul se situerait, dans le second scénario, à -6,7 points de pourcentage, générant une récession de -2,3 %, a-t-il estimé.
Pour lui, la reprise économique est prévue en 2021, avec une croissance nord-africaine de 3,3% dans le scénario de référence, et 3% dans le scénario pessimiste, renouant avec les niveaux d’avant-crise.
Et de rappeler que l’Afrique du Nord était, en 2019, pour la seconde année consécutive, la deuxième région la plus performante du continent, avec une croissance de 3,7 %.
Evoquant la dynamique globale d’intervention de la Banque en faveur de ses pays membres, M. El Azizi a relevé que depuis le début de cette crise, la BAD s’est tenue aux côtés des pays du continent en articulant une réponse globale.
A cet égard, il a évoqué le Mécanisme de réponse rapide contre le Covid-19, doté de 10 milliards de dollars mis en place par la Banque pour accompagner les gouvernements africains et les acteurs du secteur privé à faire face à la pandémie.
A cela s’ajoute, l’émission, dans un laps de temps très court, du plus grand emprunt social sur le marché international des capitaux. Il s’agit d’un emprunt obligataire social appelé « Combattre le Covid-19 » et souscrit pour un montant record de 3 milliards de dollars américains.
Enfin, une aide d’urgence Covid-19 a été débloquée pour soutenir les interventions du Bureau régional de l’Organisation mondiale de la santé en Afrique. Cette dernière permettra de consolider les capacités de prévention, de test et de traitement dans 41 pays africains. Elle renforcera également les systèmes de surveillance, contribuera à assurer l’approvisionnement et la distribution des tests et réactifs de laboratoire et soutiendra les mécanismes de coordination nationaux et régionaux.