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Au Maroc, des féministes et associations se mobilisent contre les violences virtuelles

Quand son ex-fiancé a diffusé des photos intimes d'elle sur les réseaux sociaux pour se venger, Loubna, Marocaine de 27…

Quand son ex-fiancé a diffusé des photos intimes d’elle sur les réseaux sociaux pour se venger, Loubna, Marocaine de 27 ans, s’est sentie « coupable », sa famille l’a ostracisée, elle a dû démissionner. Et elle a finalement renoncé à poursuivre son harceleur.

Comme elle, au Maroc, sept sur dix victimes de « violences virtuelles » (cyberharcèlement, extorsion en ligne d’actes sexuels, « revenge porn », cyberdiffamation, etc.) préfèrent se taire par honte et peur du rejet social, selon un rapport publié début mars par le réseau « Mobilising for rights associates » (MRA) après plusieurs mois d’enquête.

Pour « briser le tabou », les militantes de Tahadi, une des associations ayant participé à l’étude, viennent de lancer une campagne de sensibilisation et d’aide aux victimes, avec des ateliers d’information pour les mères au foyer et les élèves des quartiers populaires de Casablanca.

Car les violences virtuelles, apparues comme ailleurs avec la popularisation des smartphones et des réseaux sociaux, deviennent « de plus en plus inquiétantes », selon Bouchra Abdou, présidente de Tahadi.

Au Maroc, plus d’une femme sur deux (54%) dit avoir été victime d’une forme de violence, et dans 13,4% des cas de violences liées aux nouvelles technologies, selon des statistiques officielles publiées en mai 2019.

« En réalité, il suffit de poser la question dans une assemblée de femmes pour se rendre compte que ce chiffre est largement sous-estimé: chez les jeunes, on est plutôt autour de 90% », estime Saïda Kouzzi, du réseau MRA.

La campagne « stop au numérique » lancée par Tahadi vise à informer les victimes sur leurs droits, inscrits dans une loi adoptée en 2018 contre les violences faites aux femmes.

Le texte sanctionne le harcèlement sexuel dans les espaces publics, mais aussi dans l’espace virtuel (téléphone, courrier électronique, messages sur les réseaux sociaux, envoi d’images à caractère sexuel ou diffusion d’images portant atteinte à la vie privée). Les peines prévues pour les violences liées au numérique vont jusqu’à trois ans de prison de ferme.

– Blâmée, coupable –

Comme beaucoup, Loubna ignorait les dispositions de cette loi, par ailleurs très critiquée par les mouvements féministes pour ses lacunes. Et personne, dans son entourage, ne l’a encouragée à saisir la justice.

Car dans une société imprégnée de traditions et valeurs religieuses, les femmes violées ou harcelées sont souvent considérées comme les premières coupables: les réactions des familles sont ainsi « le plus souvent faibles à nulles, suivies de sanctions punissant la victime », selon l’étude de MRA.

« Je me disais que tout le monde avait vu les photos, je n’ai pas osé sortir dans la rue pendant des jours, ma famille ne m’a pas soutenue, je me blâmais comme si je méritais ce qui m’arrivait », se souvient Loubna.

Conseillée par l’association « Tahadi », elle a fini par se décider à déposer une plainte contre son ex-fiancé qui avait publié ses images intimes pour « se venger » car elle l’avait quitté. Il a été arrêté mais elle a finalement renoncé aux poursuites « de peur qu’il ne se venge en publiant d’autres photos ».

Rares sont celles qui saisissent les autorités –une sur dix, selon le rapport de MRA–, car le risque est grand d’être soi-même poursuivie.

L’article 490 du code pénal marocain punit en effet d’emprisonnement les relations sexuelles hors mariage et son abrogation n’est pas à l’ordre du jour, malgré la mobilisation des défenseurs des droits humains en ce sens.

Les photos ou vidéos piratées présentées par des victimes qui portent plainte peuvent donc se transformer en preuves de culpabilité si le harceleur n’est pas leur époux.

– « Ne pas se taire » –

Une des victimes suivies par Tahadi en a fait la cruelle expérience: cette jeune femme de 26 ans a enduré pendant des mois un chantage financier et sexuel qui a finalement détruit sa vie.

L’homme qu’elle fréquentait l’a menacée de publier des vidéos intimes filmées à son insu pour la forcer à lui céder. Elle a dans un premier temps déposé plainte pour viol, mais il a convaincu la justice qu’elle était consentante. Tous deux ont été condamnés à une peine d’emprisonnement avec sursis pour « débauche ».

Pour l’aider, l’association Tahidi lui a conseillé de déposer une nouvelle plainte pour chantage. La procédure est en cours. En attendant, sa famille l’a expulsée, elle a été obligée de quitter son emploi et a préféré déménager dans une autre ville.

Selon l’étude menée par MRA dans une quarantaine de villes marocaines, les conséquences des violences virtuelles sont tout aussi graves que celles des violences « réelles », avec des cas de suicides, de dépression ou de marginalisation sociale en cas de rejet familial.

Loubna a « fini par se convaincre que ce n’était pas de sa faute » après avoir « eu la chance de bénéficier d’une aide psychologique » grâce à l’association Tahabi. Elle a décidé de participer à la campagne et « conseille à toutes les victimes de ne pas se taire ».

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