Dapaong, 13 février 2025 — Sous un soleil implacable qui dore les terres ocres des Savanes, une alchimie silencieuse se déploie. Ici, au nord du Togo, là où les frontières tremblent sous le poids des conflits voisins, le Programme d’urgence pour la région des Savanes (PURS), porté par les Nations Unies et le gouvernement togolais, tisse une réponse atypique à l’exode forcé. En effet, loin des logiques d’assistanat, cette initiative cultive un écosystème dans lequel l’accueil, la dignité et l’autonomie germinent en symbiose avec les communautés locales.
L’éducation, pierre angulaire de la réhabilitation à Dapaong
À Dapaong, une école en cours d’extension symbolise cette philosophie. Sous l’égide du HCR et de l’UNICEF, des salles de classe surgissent, non comme des abris temporaires, mais comme des arches de savoir, destinées à réconcilier les enfants déplacés avec leur droit fondamental à l’instruction. « Chaque brique posée est un pari sur l’avenir : éviter que la guerre ne vole aussi leur enfance », explique Coumba D. Sow, Coordonnatrice résidente Nations unie au Togo. Le projet inclut des formations pour les enseignants sur le traumatisme, preuve que reconstruire passe autant par les murs que par les mentalités.
Un sanctuaire contre les violences de genre : le One Stop Center
Par ailleurs, à quelques encablures, un lieu discret, mais essentiel incarne l’approche holistique chère aux agences onusiennes. Le One Stop Center, soutenu par l’UNFPA, offre aux survivantes de violences basées sur le genre (VBG) un havre sous lequel soins médicaux, soutien juridique et accompagnement psychologique convergent. « Ici, on ne se contente pas de panser les plaies : on restaure des destins », souligne une travailleuse sociale. Des ateliers d’autonomisation économique complètent ce dispositif, transformant ainsi la vulnérabilité en potentiel.
Cinkassé : quand la terre panse les exils ?
Plus au nord, à Cinkassé, des femmes réfugiées, jadis productrices dans leurs pays d’origine, redécouvrent un lien vital avec la terre. Avec l’appui du HCR et de la FAO, des périmètres maraîchers ont été aménagés, combinant ainsi techniques agroécologiques et cultures locales. « Ces lopins ne sont pas que des sources de revenus : ce sont des espaces de reconquête identitaire », analyse un agronome de la FAO. Les récoltes, vendues sur les marchés voisins, tissent aussi des ponts avec les communautés hôtes, dissipant les méfiances par l’échange concret.
La communauté hôte : pilier invisible d’une solidarité organique
Si les infrastructures impressionnent, l’âme du PURS réside dans la résilience des habitants de la région des Savanes eux-mêmes. « Ces populations, souvent vulnérables, ont choisi de partager leurs maigres ressources : eau, terres, écoles sans tambour », salue Fanette Blanc. En plus, des comités locaux, formés avec l’appui de l’État, gèrent les tensions potentielles, transformant l’accueil en pratique collective. Une solidarité qui, selon une habitante de Dapaong, « coule de source : hier, c’était nous les déplacés pendant les crises politiques. Aujourd’hui, c’est à notre tour de tendre la main. »
PURS : un modèle à pérenniser ?
Au-delà de l’urgence, le programme esquisse un modèle avec lequel l’aide humanitaire se mue en levier de développement local. Les écoles rénovées profiteront à tous les enfants de la région. Les maraîchers, conçus pour résister aux sécheresses, deviennent aussi des laboratoires d’agriculture durable. Quant aux mécanismes de cohésion sociale, ils pourraient inspirer d’autres régions frontalières en Afrique.
L’hospitalité comme antidote
En conclusion, dans un monde où les peurs de l’autre alimentent souvent les replis, les Savanes togolaises offrent un contre-récit. Ici, L’exil contraint devient une opportunité de redéfinir des communautés mixtes, basées sur l’entraide et le pragmatisme. Le PURS, plus qu’un plan d’urgence, est une graine plantée dans l’aridité, preuve que même les crises peuvent, parfois, fertiliser l’avenir.
« L’hospitalité n’est pas une option, c’est une survie », résume une femme réfugiée, les mains dans la terre fertile de Cinkassé. Dans cette phrase simple, tout l’esprit des Savanes semble condensé : un humanisme concret, sans fard, qui rappelle que les frontières les plus solides sont celles que l’on dessine ensemble.