InternationalAFP




Ethiopian Airlines, la première compagnie africaine, se bat « pour sa survie »

Début mars, le Pdg d'Ethiopian Airlines, Tewolde Gebremariam, affirmait lors d'une conférence aéronautique à Addis Abeba que la pandémie de…

Début mars, le Pdg d’Ethiopian Airlines, Tewolde Gebremariam, affirmait lors d’une conférence aéronautique à Addis Abeba que la pandémie de nouveau coronavirus n’était qu’un « problème temporaire », comparable à un désastre naturel ou à une hausse brutale du prix du pétrole.

Un mois plus tard, le discours de M. Tewolde a radicalement changé. La première compagnie aérienne d’Afrique est en « lutte pour sa survie », reconnaît-il. Et pour y parvenir, elle cherche à augmenter son activité de fret et à retarder les paiements dus pour la location d’avions.

« Pour être honnête, jamais je n’aurais pensé que nous en arriverions là », concède M. Tewolde dans une interview à l’AFP. « Je n’aurais jamais pensé que ça se répandrait comme ça, à cette vitesse, et avec une telle ampleur. Ca va juste trop vite, ça coûte trop cher et c’est au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer. »

En Afrique, les compagnies aériennes pourraient perdre 6 milliards de dollars (5,5 milliards d’euros) de revenus passagers en 2020 à cause du coronavirus, comparé à l’année 2019, selon l’Association internationale du transport aérien (Iata).

Ethiopian Airlines, joyau détenu par l’État de l’économie éthiopienne et source vitale de devises étrangères, a déjà annoncé avoir perdu 550 millions de dollars de revenus depuis janvier.

« Si vous vous mettez à ma place, la seule manière d’avancer pour Ethiopian Airlines est d’augmenter ou de concentrer ses ressources, son énergie et son temps sur des secteurs qui ne sont pas affectés par le coronavirus », constate M. Tewolde.

La compagnie a commencé à jouer un rôle majeur dans la lutte contre le coronavirus en Afrique en distribuant de l’équipement médical sur tout le continent. Malgré ça, elle pourrait ne pas pouvoir survivre plus de trois mois avant de devoir chercher de l’aide financière à l’extérieur, prévient son Pdg.

« Est-ce que nous serons capables de résister avec seulement 15% de nos revenus? », s’interroge-t-il, en référence à ce que rapporte l’activité fret. « Pour une courte période oui. Mais pour combien de temps? C’est difficile à prédire. »

– Hausse des activités de fret –

Lors des premières semaines après l’apparition de la pandémie en Afrique, Ethiopian Airlines a été critiquée en Ethiopie pour avoir maintenu ses vols vers la Chine, d’où provient le virus, à la différence de ses concurrents comme Kenya Airways.

Mais M. Tewolde assure que si c’était à refaire, il reprendrait la même décision. Il souligne que le premier cas officiellement recensé de Covid-19 en Ethiopie a été un Japonais arrivé dans le pays depuis le Burkina Faso.

Les routes chinoises constituent aujourd’hui le cœur des opérations de fret d’Ethiopian Airlines, alors que le monde entier tente de se fournir en équipements médicaux produits en Chine.

Mais cette tâche est rendue plus difficile par la baisse vertigineuse du trafic passager, les avions passagers pouvant aussi transporter des marchandises.

« En ce moment, on manque cruellement d’avions cargo en partance de Chine », observe Craig Jenks, de la société new-yorkaise de conseil aéronautique Airline/Aircraft Projects Inc. consultancy.

Le coût des vols cargo longue distance est « au moins le double de la normale », ajoute ce dernier.

Au début de la crise, Ethiopian Airlines avait 12 avions dédiés au fret. La compagnie a depuis modifié « 10 à 15 » avions passagers en enlevant les sièges pour renforcer sa flotte, explique M. Tewolde.

Elle reste assez loin des capacités cargo de concurrents comme Emirates ou Qatar Airways. Mais selon M. Jenks, elle peut espérer tirer à terme de ses opérations de fret jusqu’à 40% de ses revenus habituels.

– La même stratégie à long terme –

Ethiopian Airlines se consacre également à des activités propres à cette ère nouvelle du coronavirus.

De hauts responsables américains et japonais l’ont ainsi remerciée pour avoir rapatrié certains de leurs compatriotes depuis des pays africains.

Lundi, la compagnie a fini de distribuer le second lot de masques, kits de dépistage, ventilateurs et autres équipements médicaux donnés aux pays africains par le milliardaire chinois Jack Ma.

Et la semaine dernière, l’Éthiopie et les Nations unies ont ouvert une plate-forme de transport humanitaire à l’aéroport d’Addis Abeba pour acheminer des équipements et des travailleurs humanitaires à travers l’Afrique.

Mais alors que le coût financier de la crise ne fait que s’accroître, Ethiopian Airlines a commencé à discuter d’un report des versements liés à la location d’avions et pourrait aussi réclamer un délai pour le remboursement de 2 milliards de dollars de dette.

La compagnie se dit déterminée à ne licencier aucun de ses employés permanents, mais n’exclut pas de devoir imposer des baisses de salaire si la crise devait perdurer, selon M. Tewolde.

Il estime que l’expansion actuelle du secteur du fret pourrait fléchir dès le mois de juin, alors que le trafic passager pourrait continuer à tourner au ralenti longtemps après que les pays auront levé les restrictions sur les vols.

Malgré tout, Ethiopian Airlines n’a pas modifié sa stratégie de croissance à long terme, qui passe notamment par la construction d’un nouvel aéroport d’un coût de 5 milliards de dollars à Addis Abeba. « Nous ferons tout pour survivre », assure son Pdg.

Suivez l'information en direct sur notre chaîne