Faure Gnassingbé à Kigali : Une médiation audacieuse pour apaiser la crise dans l’Est de la RDC
Dans un élan diplomatique d’une rare intensité, le président togolais Faure Essozimna Gnassingbé, investi du rôle de médiateur par l’Union africaine (UA), a poursuivi ses consultations pour désamorcer la crise qui embrase l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). En effet, Le lundi 21 avril à 10h00 heure locale (8h00 GMT), le chef d’État togolais a foulé le sol de Kigali pour une rencontre cruciale avec son homologue rwandais Paul Kagame. Cette visite, troisième étape d’une série entamée à Luanda et Kinshasa, s’inscrit dans une quête résolue de dialogue pour ramener la paix dans la région des Grands Lacs, secouée par un conflit aux ramifications complexes.
Un tête-à-tête pour sonder les racines du conflit
Accueilli avec les honneurs dus à son rang, Faure Gnassingbé s’est entretenu en tête-à-tête avec Paul Kagame dans une atmosphère décrite comme franche et constructive. Les discussions, qui ont débuté à 11h30 heure locale (9h30 GMT), ont porté sur les causes profondes du conflit, ses conséquences humanitaires dévastatrices et le rôle des acteurs régionaux, notamment dans le contexte des tensions entre Kigali et Kinshasa. La crise dans l’Est de la RDC, exacerbée par les affrontements impliquant le mouvement rebelle M23, accusé par la RDC de bénéficier du soutien rwandais, constitue un défi majeur pour la stabilité régionale. Le Rwanda, de son côté, pointe du doigt la menace posée par les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé basé en RDC, comme justification de ses préoccupations sécuritaires.
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« Le président Gnassingbé a réitéré sa disponibilité à travailler avec toutes les parties prenantes pour une solution durable », a rapporté un communiqué de la présidence togolaise. Cette posture, empreinte de pragmatisme, reflète l’ambition du Togo de poser les jalons d’un dialogue inclusif, capable de transcender les méfiances mutuelles entre les belligérants. À Kigali, comme lors de ses précédentes étapes à Luanda le 16 avril et à Kinshasa le 18 avril, le médiateur a aussi insisté sur la nécessité d’une réconciliation durable pour enrayer la spirale de violence qui a déjà déplacé plus de deux millions de personnes dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu.
Une mission sous le sceau de l’Union africaine à Kigali
Désigné le 12 avril 2025 comme médiateur de l’UA, sur proposition du président angolais João Lourenço, Faure Gnassingbé hérite d’une tâche aussi ardue qu’essentielle. Succédant à Lourenço, qui avait piloté le processus de Luanda, le dirigeant togolais doit naviguer dans un écheveau diplomatique où les rivalités entre la RDC et le Rwanda, les revendications des groupes armés et les intérêts des blocs régionaux comme la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) compliquent toute tentative de résolution.
À Kigali, Gnassingbé a pu capitaliser sur les relations cordiales qu’il entretient avec Paul Kagame, forgées lors de visites antérieures, notamment celle du 18 janvier 2025, au cours de laquelle les deux leaders avaient signé des accords de coopération dans les domaines de l’agriculture, du commerce et de l’énergie. Cette proximité, loin d’entacher sa neutralité, semble renforcer sa capacité à engager un dialogue direct avec le président rwandais, réputé pour son habileté diplomatique.
Une crise aux enjeux régionaux et humanitaires
La crise dans l’Est de la RDC, marquée par la prise de Goma par les rebelles du M23 le 27 janvier 2025, a atteint un point critique. Les accusations mutuelles entre Kinshasa et Kigali – la RDC dénonçant le soutien rwandais aux rebelles et le Rwanda accusant la RDC de protéger les FDLR – ont entravé les efforts de médiation antérieurs, notamment ceux menés dans le cadre des processus de Luanda et de Nairobi. La chute de Goma, un hub humanitaire et économique, a aggravé la crise, avec des milliers de civils exposés à la violence et des services essentiels, tels que l’électricité et l’eau, gravement perturbés.
Le président Gnassingbé, conscient de ces défis, a plaidé pour une approche qui tienne compte des préoccupations sécuritaires de toutes les parties tout en priorisant l’urgence humanitaire. Lors de son entretien avec Kagame, il a évoqué la possibilité de relancer des pourparlers directs entre la RDC et le M23, une proposition que Kinshasa a récemment accueillie avec une ouverture prudente, bien que soumise à des conditions strictes de la part des rebelles.
Un leadership togolais au service de la paix à Kigali
La mission de Faure Gnassingbé s’inscrit dans une tradition d’engagement togolais pour la paix en Afrique. Réputé pour sa discrétion et son aptitude à fédérer des acteurs divergents, le président togolais a déjà joué un rôle clé dans la résolution de crises sociopolitiques sur le continent. En plus, sa nomination par l’UA, entérinée après des consultations avec les leaders de la Tanzanie, du Burundi, du Ghana et de la Mauritanie, témoigne de la confiance placée en son leadership.
À Kigali, Gnassingbé a réaffirmé l’ambition du Togo de « poser les bases d’un dialogue constructif et d’une réconciliation durable », un objectif qui passe par la redynamisation des relations entre la RDC et le Rwanda. Les échanges avec Kagame, qui se sont prolongés jusqu’à 15h00 heure locale (13h00 GMT), ont également abordé les implications régionales du conflit, notamment les tensions aux frontières et les risques d’escalade impliquant d’autres acteurs, comme la SADC, qui a renforcé son soutien militaire à la RDC.
Une lueur d’espoir dans un horizon incertain
La visite de Faure Gnassingbé à Kigali, saluée sur les réseaux sociaux comme un pas vers la désescalade, illustre la détermination de l’UA à reprendre la main sur une crise où les initiatives diplomatiques se sont multipliées sans toujours porter leurs fruits. Des utilisateurs sur X ont loué l’engagement du président togolais, soulignant son rôle dans la promotion d’un « dialogue constructif » entre Kigali et Kinshasa.
Pourtant, le chemin vers la paix reste semé d’embûches. La méfiance persistante entre les parties, les divergences entre les blocs régionaux et les intérêts économiques liés aux ressources minières de l’Est de la RDC compliquent la tâche du médiateur. La question demeure : Gnassingbé parviendra-t-il à concilier les impératifs de sécurité, les aspirations des populations locales et les ambitions géopolitiques des acteurs impliqués ? Alors que la région des Grands Lacs oscille entre espoir et incertitude, cette mission diplomatique pourrait esquisser les contours d’un avenir plus stable, à condition que toutes les parties saisissent cette opportunité de dialogue.