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L’aide américaine au Togo : une manne sous hypothèque ?

L’avènement de Donald Trump à la présidence des États-Unis en janvier 2025 a marqué un changement de paradigme dans l’architecture…

Le moratoire de 90 jours sur l'aide étrangère américaine pourrait contraindre le Togo à rechercher de nouveaux partenariats

L’avènement de Donald Trump à la présidence des États-Unis en janvier 2025 a marqué un changement de paradigme dans l’architecture de l’aide internationale. En optant pour un moratoire de 90 jours sur le financement extérieur, l’administration républicaine souhaite procéder à un audit rigoureux de son efficacité et de son adéquation avec les intérêts stratégiques américains. Une réévaluation qui n’est pas sans conséquence pour le continent africain, bénéficiaire historique de près d’un quart de l’aide étrangère des États-Unis, soit 17,4 milliards de dollars en 2023.

Suspension de l’aide américaine : un impact différencié sur l’Afrique, une incertitude pour le Togo

Si des géants démographiques et économiques comme le Nigeria, l’Éthiopie ou encore les pays sahéliens risquent d’être frappés de plein fouet par ce gel financier, l’effet pourrait être plus modéré pour le Togo. En 2023, ce dernier a bénéficié d’engagements s’élevant à 86 millions de dollars, une somme historique depuis 2001, bien que seulement 29 millions aient été effectivement décaissés. Cet écart entre promesses et financements effectifs témoigne déjà d’une certaine fragilité structurelle.

Malgré cette somme relativement modeste, le Togo se positionne au 38ᵉ rang des nations africaines pour les décaissements et au 29ᵉ pour les engagements. Or, la réduction potentielle du budget alloué à des agences fédérales telles que l’USAID, qui a injecté 12 millions de dollars en 2024, pourrait porter un coup aux secteurs les plus dépendants de cette manne.

La santé publique en première ligne

Parmi les domaines les plus exposés, le système de santé togolais pourrait subir un contrecoup significatif. En particulier, les initiatives de lutte contre le VIH/SIDA, soutenues par les financements américains, assurent aujourd’hui le traitement antirétroviral de plus de 300 000 patients et garantissent des services médicaux pour 46 000 personnes. Une contraction prolongée des fonds compromettrait ainsi des avancées de plusieurs décennies, au risque de voir une recrudescence des infections et une détérioration des soins.

L’éducation menacée par l’incertitude budgétaire

Un autre programme clé sous tension est le McGovern-Dole Food for Education Program, qui finance la distribution de repas scolaires aux enfants issus de foyers défavorisés. En 2023, ce dispositif a permis d’assurer l’alimentation quotidienne de 154 600 élèves dans 202 établissements, grâce à une enveloppe de 33 millions de dollars. Une baisse des subventions risquerait de creuser les inégalités d’accès à l’éducation, notamment en milieu rural, où la gratuité des repas constitue un levier déterminant de scolarisation.

Suspension de l’aide américaine : les ambitions économiques en suspens

Le Togo avait placé de grands espoirs dans l’obtention d’un financement substantiel de la Millennium Challenge Corporation (MCC) pour appuyer ses réformes administratives, la digitalisation et l’amélioration de l’accès à l’énergie. Or, l’administration américaine pourrait reléguer ce projet aux oubliettes si elle décidait de rediriger ses fonds vers d’autres priorités.

En outre, la coopération sécuritaire, bien que limitée (591 000 dollars en 2023), joue un rôle stratégique dans la formation des forces de défense togolaises et la prévention des menaces en provenance du Sahel. Un désengagement américain sur ce front pourrait nécessiter une redéfinition des alliances sécuritaires du pays.

Quelles alternatives pour le Togo ?

Si le Togo dépend moins des subsides américains que certains de ses voisins, une réduction durable de cette aide exigerait une diversification des sources de financement. L’exécutif togolais pourrait explorer des partenariats alternatifs avec des bailleurs multilatéraux (Banque mondiale, FMI) ou d’autres puissances économiques comme la Chine et l’Union européenne, si nécessaire.

Dans un contexte mondial marqué par la volatilité des engagements diplomatiques, cette période de suspension des financements américains représente une mise à l’épreuve pour les décideurs togolais. S’agira-t-il d’une parenthèse passagère ou du prélude à une redéfinition durable des flux financiers en provenance de Washington ? Seul l’avenir le dira, mais une chose est certaine : le Togo doit dès à présent envisager des options de repli pour préserver ses acquis en matière de développement.

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