À l’orée d’une ère où les récits africains se réinventent hors des canons habituels, le Togo, discret, mais ambitieux, hisse son drapeau sur la scène du 29ᵉ Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO 2025). Six œuvres cinématographiques, émanations d’un terreau créatif jadis sous-estimé, ont été admises en sélection officielle, marquant un paroxysme inédit pour la représentation nationale. En effet, cette consécration, à la fois symbole et catalyseur, révèle une dynamique insufflée par des stratégies audacieuses et des talents éclos.
Une sélection plurielle : reflet d’une cinématographie en métamorphose à FESPACO 2025
Par ailleurs, les productions togolaises retenues, éparpillées dans des catégories aussi éclectiques que la critique engagée, les séries narratives, les animations oniriques ou les essais avant-gardistes, témoignent d’une diversité de genres et de regards. Loin de se cantonner à un registre unique, ces créations explorent les interstices de l’humain et du social, portées par une grammaire visuelle où se mêlent traditions locales et modernité globale. Cette pluralité, rarement atteinte auparavant, illustre la maturité croissante d’un secteur longtemps en quête de reconnaissance.
Dogossa Birregah : l’étoile montante de l’Académie Yennenga
Parmi les figures émergentes, le jeune Dogossa Birregah incarne cette nouvelle génération qui ose défier les conventions. Son intégration à la Yennenga Academy, creuset des futurs maîtres du 7ᵉ art africain, n’est pas anodine. Ce programme, conçu pour polir les diamants bruts, lui offrira un laboratoire d’expérimentations techniques et narratives, tout en tissant des liens panafricains indispensables à l’essor du cinéma continental. Sa présence consolide l’idée d’un Togo non plus spectateur, mais acteur clé des mutations culturelles.
Stratégie 2030 : architecturer l’immatériel
En amont de cette consécration, le pays a posé les jalons d’une révolution structurelle. Dévoilée en décembre 2024, une stratégie quinquennale aspire à métamorphoser le secteur créatif en une nébuleuse économique organisée. L’objectif est de transcender l’art pour en faire un levier de développement, générateur d’emplois et de richesses pérennes. Axée sur l’édification des compétences techniques, la professionnalisation des métiers de l’image et l’exportation des œuvres, cette feuille de route entend hisser le Togo au rang de phare culturel ouest-africain.
Les odes officielles et l’ambition collective
Peu après l’annonce des sélections, la ministre de la Culture, Yawa Kouigan, a rendu un hommage appuyé aux « artisans de l’ombre et de la lumière » : réalisateurs, producteurs, techniciens dont le labeur silencieux façonne l’imaginaire national. « Ces succès ne sont point des épiphénomènes, mais les fruits d’un terreau fertilisé par la persévérance et une vision partagée », a-t-elle déclaré, soulignant l’impératif de soutenir ces dynamiques à l’heure où la culture devient un enjeu géo-économique.
Perspectives : vers une nouvelle cartographie cinématographique
Si le FESPACO 2025 acte une étape symbolique, il n’en est qu’un prélude. Le Togo, désormais conscient de son potentiel, semble déterminé à défier les hiérarchies établies. En conjuguant héritage et innovation, il écrit une nouvelle page où le cinéma, transcendé en outil de souveraineté narrative, participe à redessiner les contours identitaires d’une nation. Reste à savoir si cette fulgurance saura s’inscrire dans la durée, transformant l’essai en une renaissance culturelle pérenne.
En définitive, cette odyssée togolaise, à la croisée de l’art et de l’ambition politique, rappelle une évidence : le cinéma, lorsqu’il est porté par une vision claire et des âmes passionnées, peut être bien plus qu’un divertissement, un miroir, un pont, et parfois, un manifeste.