L’Ethiopie a toujours insisté sur le fait que son ambitieux projet énergétique sur le Nil ne compromettra pas la part d’eau du plus long fleuve d’Afrique vers ses voisins immédiats mais la nation de la Corne de l’Afrique court-circuite-t-elle les négociations pour commencer à remplir secrètement le barrage ?
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a récemment insisté sur le fait que le remplissage du Grand barrage éthiopien de la Renaissance commencerait à l’approche de la saison des pluies, malgré les objections de l’Égypte et, dans une moindre mesure, du Soudan.
Il a assuré aux voisins tendus d’Éthiopie que le remplissage du barrage ne menacera pas leur part de l’eau du fleuve le plus majestueux d’Afrique, un processus qui, selon le Caire, ne peut garantir un accès ininterrompu à cette précieuse ressource du Nil.
En dépit d’une rhétorique dure des deux côtés du différend sur le barrage du Nil, les efforts internationaux menés par l’Occident ont réussi à amener les nations en conflit à la table des négociations pour aplanir leurs divergences sur la manière dont le barrage serait rempli.
Alors que l’Égypte privilégie une approche graduelle pour remplir le réservoir du barrage, l’Éthiopie voit dans cette démarche un stratagème du Caire pour gagner du temps et saper la capacité de ce grand projet à changer la vie de plus de 100 millions de personnes.
Le Caire a récemment averti que le refus strict de l’Éthiopie de bouger sur cette question risque de mettre en danger les progrès réalisés jusqu’ici dans les négociations.
En juin, Djibouti, la Somalie et le Qatar ont rejeté une résolution de la Ligue arabe demandant à l’Éthiopie de retarder le remplissage du Grand barrage jusqu’à ce qu’un accord global soit conclu avec le principal protagoniste, l’Égypte.
Une grande partie des 100 millions d’Égyptiens dépendent du fleuve pour leur approvisionnement en eau mais depuis 2011, date à laquelle la construction du barrage a commencé sur le Nil Bleu, le Caire a exprimé des réserves quant à ses implications pour ses citoyens.
Mohamed Al-Sebaei, porte-parole du ministère des Ressources en eau du Caire, aurait déclaré que rien n’indique encore que l’Éthiopie a décidé unilatéralement de remplir le barrage sans avoir conclu d’accord à cet effet avec l’Égypte et le Soudan.
Les négociations sur le remplissage du barrage, suspendues ces derniers mois, ont repris la semaine dernière et se poursuivent depuis, a déclaré M. Sabeal.
Cependant, le Soudan soupçonne l’Ethiopie d’avoir commencé à remplir secrètement le barrage à l’insu de ses voisins.
Un mouvement qui se fait appeler les Forces de la liberté et du changement a déclaré qu’il avait des preuves suggérant que le barrage controversé était déjà rempli avec l’eau du Nil.
Un haut responsable du mouvement (dont le nom n’a pas été divulgué) a affirmé que le Soudan connaissait des pénuries d’eau provenant du Nil.
Le quotidien soudanais Alrakoba a déclaré que cette situation s’est aggravée à un moment où l’on soupçonne de plus en plus que l’Ethiopie est déjà en train de passer à la prochaine étape controversée de la mise en service du barrage, qui sera le plus grand projet hydroélectrique d’Afrique une fois terminé.
Les travaux sur le Grand barrage de la renaissance éthiopienne devraient s’achever en 2023, ce qui constituera un élément essentiel de la réémergence de l’Ethiopie en tant qu’exportateur d’électricité dans la région de la Corne de l’Afrique.
Le barrage, d’une hauteur de 482 pieds et d’une longueur de 1,8 kilomètre, aura une capacité de stockage de 74 milliards de mètres cubes d’eau.
L’Éthiopie prévoit de produire jusqu’à 6 475 mégawatts pour son usage national et l’exportation vers ses voisins.