Lomé, 17 février 2025 – La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a rendu public, ce samedi, les résultats d’une consultation sénatoriale sans surprise, où l’Union pour la République (Unir) a accaparé 34 des 41 sièges en lice. Ce scrutin, premier du genre depuis l’avènement de la Vᵉ République, consacre une domination quasi-totale du parti présidentiel, laissant en marge une opposition éparpillée et symbolique. Yago Dabré, président de la Ceni, a présenté ces résultats sous un formalisme méthodique, soulignant une participation de 89 candidats pour séduire 1 706 grands électeurs, conseillers régionaux et municipaux durant une campagne atone, du 30 janvier au 13 février.
L’opposition : une mosaïque d’ambitions individuelles
Si l’Unir assoit son emprise, les sept sièges résiduels illustrent un archipel d’intérêts divergents. L’Union des forces de changement (UFC), héritage symbolique de Gilchrist Olympio, ne parvient à sauver qu’un siège, tout comme l’Alliance des démocrates pour le développement intégral (ADDI) d’Aimé Gogue Addi et le Cercle des leaders émergents (CLE). Seul le parti Bâtir émerge avec deux sièges, tandis que deux indépendants, dont Robert Olympio, transfuge de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), défient les consignes de boycott de leurs anciennes formations pour s’ancrer dans l’hémicycle. Des voix discordantes dans un orchestre réglé au diapason du pouvoir.
Mécanismes d’un scrutin sous tension silencieuse
Le processus électoral, bien que techniquement irréprochable selon la Ceni, s’est déroulé dans un climat de défiance latente. Les grands électeurs, issus des strates locales du pouvoir, ont opté pour un vote de continuité, reflétant moins une adhésion qu’une résignation à l’équation politique togolaise. La campagne, étouffée par l’ombre portée par la réforme constitutionnelle de mai 2024, a vu les candidats opposants lutter contre un plafond de verre médiatique et logistique.
La Constitution de 2024 : un levier pour une transition contrôlée
Avec ces résultats, la Cour suprême est désormais saisie pour une validation attendue comme une formalité. Subséquemment, le président Faure Gnassingbé nommera 20 sénateurs, complétant ainsi un Sénat de 61 membres. Cette prérogative, inscrite dans la nouvelle Constitution, conforte l’exécutif dans son rôle d’architecte des institutions.
Le futur Sénat et l’Assemblée nationale devront désigner conjointement le président de la République et le président du Conseil des ministres, scellant ainsi une transition vers un régime semi-parlementaire ou plutôt un « hyper-présidentialisme masqué », selon des constitutionnalistes critiques.
Perspectives : une Vᵉ République sous perfusion politique
L’installation prochaine du Sénat acte une ère institutionnelle inédite, mais non sans ambigüités. Si l’Unir commémore une victoire prévisible, l’abstention larvée des électeurs ordinaires et la marginalisation programmée de l’opposition interrogent la légitimité populaire de cette nouvelle architecture.
« Un Sénat né sous X, conçu pour perpétuer une généalogie du pouvoir plutôt que pour incarner une rupture. »Observateur anonyme de la société civile.
Lomé, laboratoire d’un autoritarisme éclairé ?
Ces élections sénatoriales, bien que techniques, révèlent une stratégie de long terme : verrouiller les instances décisionnelles tout en offrant une vitrine pluraliste. Le Togo entre dans sa Vᵉ République avec un paradoxe : un système renouvelé dans la forme, mais immuable dans le fond.