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Roman Polanski, la gloire et l’opprobre

Roman Polanski, qui a reçu vendredi le César de la meilleure réalisation pour "J'accuse" , est un cinéaste multirécompensé à…

Roman Polanski, qui a reçu vendredi le César de la meilleure réalisation pour « J’accuse » , est un cinéaste multirécompensé à l’oeuvre anti-conformiste, devenu pour beaucoup un symbole des agressions sexuelles impunies alors qu’il est visé par plusieurs accusations de viol.

Réalisateur, acteur, scénariste et producteur, il a bâti en une vingtaine de longs métrages une oeuvre souvent dérangeante, tourmentée et pessimiste, marquée par des thématiques comme l’enfermement, la perversion et la persécution, et d’une grande maîtrise technique.

Une carrière jalonnée de films marquants, comme « Répulsion », « Rosemary’s Baby », « Tess », « Le Pianiste » ou « The Ghost Writer ».

Récompensé à travers le monde, il a obtenu le Grand prix du jury à Venise en 2019 pour « J’accuse », la Palme d’or à Cannes en 2002 et l’Oscar du meilleur réalisateur en 2003 pour « Le Pianiste », deux fois le César du meilleur film pour « Tess » et « Le Pianiste », et cinq fois celui du meilleur réalisateur.

Mais le cinéaste franco-polonais de 86 ans est aussi un homme visé par plusieurs accusations de viol – 12 selon les féministes – qu’il réfute.

Toujours poursuivi par la justice américaine pour des relations sexuelles illégales avec une mineure en 1977, il est la cible depuis novembre d’une nouvelle accusation, de la part de la photographe française Valentine Monnier, qui dit avoir été frappée et violée par lui à Gstaadt (Suisse) en 1975, à l’âge de 18 ans.

Il est devenu pour les féministes et une partie de l’opinion publique un « cas exemplaire » d’abus sexuels impunis, selon l’expression de l’actrice française Adèle Haenel.

– « ligne de partage » –

Né le 18 août 1933 à Paris de parents juifs polonais qui retournent en Pologne alors qu’il n’a que trois ans, Roman Polanski est marqué par son enfance dans le ghetto de Cracovie.

Il évite de justesse la déportation, contrairement à ses parents et à sa demi-soeur. Sa mère, enceinte, ne reviendra pas d’Auschwitz. Il sera plus tard confié à une famille de paysans jusqu’à la fin de la guerre.

Il tirera de cette expérience son film le plus personnel, « Le Pianiste », où Adrien Brody campe un survivant du ghetto de Varsovie. « J’ai parfois l’impression, dira-t-il, que tout ce que j’ai fait avant était une espèce de répétition du +Pianiste+ ».

Diplômé de l’institut du cinéma de Lodz (Pologne) en 1959, le jeune Roman Polanski commence sa carrière en 1962 avec un thriller psychologique, « Le Couteau dans l’eau », mal vu dans son pays mais qui lui ouvre les portes de l’Occident.

Le succès en 1965 de « Répulsion », avec Catherine Deneuve en meurtrière démente, est son passeport pour Hollywood.

L’aventure américaine dure une décennie, parcourue de bonheurs – succès, mariage avec l’actrice Sharon Tate rencontrée sur le tournage du « Bal des Vampires » – et de cauchemars.

Le 9 août 1969, alors qu’il se trouve à Londres, son épouse, enceinte de huit mois, est retrouvée assassinée à Los Angeles avec quatre de ses amis par des satanistes disciples de Charles Manson.

Huit ans plus tard, à 43 ans, il est arrêté, accusé d’avoir drogué et violé la veille une adolescente de 13 ans, Samantha Geimer, lors d’une séance photo dans la villa de Jack Nicholson.

Le cinéaste, qui nie le viol mais plaide coupable de « rapports sexuels illégaux » avec une mineure, passe un mois et demi en prison. Une fois sorti, craignant une peine plus sévère, il s’enfuit des Etats-Unis début 1978 pour la France.

–  » fruits verts » –

Roman Polanski confiera plus tard à un journaliste français son attirance pour les « fruits verts »: « J’aime les très jeunes filles, d’abord parce qu’elles sont plus belles, c’est évident, mais surtout parce qu’elles satisfont mon désir de pureté et de romantisme ».

Sous le coup d’un mandat d’arrêt, il sera rattrapé par l’affaire Samantha Geimer à plusieurs reprises, notamment en 2009, quand il est arrêté en Suisse et assigné à résidence huit mois. La Suisse refuse finalement de l’extrader.

Naturalisé français depuis 1976, le cinéaste, marié depuis 1989 avec l’actrice Emmanuelle Seigner, avec qui il a deux enfants, y poursuit son parcours depuis la fin des années 70.

Il revient au premier plan au début des années 2000 avec « Le Pianiste », puis en 2010 avec le thriller « The Ghost Writer », récompensé par l’Ours d’argent à Berlin et le César du meilleur réalisateur. En 2014, il reçoit ce César pour « La Vénus à la fourrure ».

Mais en 2017, il doit renoncer à présider la cérémonie des César sous la pression des féministes, indignées aussi par une rétrospective qui lui est consacrée à la Cinémathèque.

« J’accuse », sur l’Affaire Dreyfus, remet le feu aux poudres. Le film connaît une sortie mouvementée en France en novembre, avant une nouvelle vague de protestation liée à l’annonce fin janvier de ses 12 nominations aux César.

Après des appels à boycotter le film, les féministes ont protesté vendredi devant la salle Pleyel, lieu de la cérémonie des César. Le cinéaste, lui, a renoncé à y assister.

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