Dans le cadre de la célébration des 60 ans de l’indépendance malgache, le président Andry Rajoelina a entrepris la rénovation du Palais de la reine assortie de la construction d’une arène d’inspiration romaine, selon une note transmise vendredi à APA.Un défi de taille destiné à concilier la créativité architecturale malgache et les multiples inspirations qui la composent. Le rova de Manjakamiadana ou palais de la Reine était, autrefois, la demeure officielle des souverains de Madagascar au XIXe siècle, à Antananarivo.
La rénovation du Palais de la Reine est prévue pour cette année du 60ème anniversaire du retour de l’Indépendance. L’objectif du président Rajoelina est de promouvoir l’originalité de la culture Malgache tout en respectant les inspirations qui aboutirent à la construction et à l’évolution du palais.
Un palais qui projette historiquement la tradition au cœur de la modernité
L’édifice actuel fût construit en 1839 à l’initiative de la reine Ranavalona 1ère sur un site déjà occupé par des édifices royaux depuis le début du 17ème siècle (roi Andrianjaka). Dès l’origine le palais fût conçu dans le but de se conformer à la tradition Malgache tout en s’imprégnant d’inspirations extérieures.
C’est ainsi que la reine Ranavalona fît appel à l’architecte Français Jean Laborde pour exécuter les plans, soit plus de quarante ans avant la colonisation française. Si le bâtiment originel fût bâti, conformément à la tradition Malgache, uniquement en bois, l’architecte français y introduisit une notion de monumentalité et de symétrie parfaite typiquement européenne destinée à affirmer le prestige de la monarchie.
Une première modification fût cependant opérée sous le règne de la reine Ranavalona II, où un architecte anglais, James Cameron, enveloppa la structure de pierre : un nouveau précédent historique dans la culture architecturale malgache qui jusqu’ici ne réservait ce matériau qu’aux fondations et aux tombes.
Une nouvelle mode à l’époque que l’on retrouve aussi dans la construction du palais de Justice, lui aussi construit en pierre, et d’inspiration gréco-romaine. D’autres modifications furent par la suite envisagées sous le règne de la reine Ranavalona III telle que l’ajout de briques et la dotation de fondations de pierres et de béton d’inspiration romaine, très typique du XIXème européen.
Gardé en état et transformé en musée pendant la colonisation française qui imprègne profondément Madagascar, le Palais de la Reine subit peu de modifications jusqu’à l’incendie de 1995 et le début de sa restauration en 2006 soutenue par l’UNESCO et l’Agence Française de Développement (AfD).
Jusqu’en 2019 les travaux étaient demeurés inachevés. Une situation motivant le président Andry Rajoelina à entreprendre des rénovations dans le but de célébrer avec éclat la déclaration d’indépendance de la grande Ile.
Le but affiché du président, s’étant entouré pour l’occasion d’un conseil scientifique, est de se situer dans le sillage qui avait été tracé par la construction originelle du palais il y a deux siècles : un mélange subtil de traditions endogènes et d’apports extérieurs, tournés vers la majesté.
Redonner à Madagascar sa grandeur et son prestige
En travaillant à se situer dans la lignée prestigieuse des souverains de Madagascar, Andry Rajoelina veut symboliser [par la rénovation de la Roja] le retour du peuple malgache dans la grandeur. C’est d’ailleurs le sens de sa décision de jouxter au palais, une arène, le Kianja Masoandro, destinée à mettre en scène et faire revivre l’histoire du pays.
Cette construction est conforme à l’esprit de créativité qui présida à la prime construction du palais : une harmonisation entre culture malgache et des savoir-faire nouveaux (mais acculturés) soutenant la projection vers l’avenir de la nation.
La volonté de Andry Rajoelina de promouvoir un patrimoine vivant, non-muséifié, se retrouve dans les caractéristiques de la conception de l’arène. Elle imite les canons architecturaux du palais : usages de bétons similaires, grandes ouvertures symétriques, inspirations gréco-romaines et choix d’une entreprise de construction… française (Colas) !
Le bâtiment n’a pas vocation à dénaturer les lieux, et se trouve par ailleurs être plus modeste en taille que le palais pour ne pas en briser les perspectives. Certains regretteront le déplacement des pierres provenant des ruines des piscines sacrées du roi Andrianaivoariony, mais cela ne signifie pas leur destruction bien au contraire.
Par ailleurs, ce genre d’aménagement n’est pas une nouveauté : la reine Ranavalona n’avait-elle pas substitué un temple animiste pour un lieu de culte chrétien lors de sa conversion au Christianisme, et cela en plein cœur de la Roja ? On peut également citer l’ancien président Marc Ravanomanana qui n’avait pas hésité à déplacer les ossements des rois.
A toutes fins utiles, le site étant ancien et objet d’éboulements récurrents, la conception et la construction de l’arène ont été précédées d’études mandatées par l’entreprise Colas, un leader mondial de la construction et l’aménagement des territoires, afin de sécuriser au maximum les travaux et les lieux.
Par son projet ambitieux, le président Andry Rajoelina ne se contente pas de respecter les diverses structures architecturales de la Roja. Il en adopte profondément l’esprit en élaborant la soudure entre la Madagascar moderne et celle précoloniale afin de prouver le dynamisme nouveau de la Grand-Ile.
Favoriser la transmission d’un passé éclatant tout en apportant une nouvelle pierre à l’édifice : n’est-ce pas cela le respect de la tradition ? Les rois de Madagascar étaient déjà tournés vers l’avenir, leur souvenir restauré le 26 Juin prochain saura aider Madagascar à se projeter avec fierté dans les 60 prochaines années.
Des innovations au service d’une vision de grandeur
Il n’est pas surprenant que le projet de rénovation du Rova créé la polémique. Toute évolution architecturale a toujours créé des débats, c’est une chose naturelle. C’est le temps qui leur procure un certificat de légitimité.
Ce fût le cas de la conversion du bois en pierre sous Ravalona II. Il en est de même pour l’arène qui se situe malgré tout dans son héritage direct. Madagascar n’est cependant pas une exception : la pyramide du Louvre fît scandale en son temps (1989).
Aujourd’hui, on trouve difficilement des parisiens qui ne l’apprécient pas. Il en est de même pour l’affirmation de l’architecture Haussmannienne dans la France de la seconde moitié du XIXème. Pourtant cette architecture fait partie intégrante du statut de la ville de Paris comme capitale mondiale culturelle.
Toujours controversées, les innovations architecturales, notamment les plus monumentales, ont de tout temps eu un rôle très précis : l’affirmation culturelle. Or, ce projet n’est pas qu’une rénovation, c’est une création. Et la surenchère créatrice est un signal extérieur de vitalité.
La rénovation du palais et la construction de l’arène ne sont pas seulement des symboles : ils incarnent intrinsèquement le dynamisme que le président Rajoelina veut impulser à Madagascar. Un dynamisme objectivement rare quand on pense que cette initiative est la seule en Afrique, visiblement portée par un Etat.
Même l’Europe ne construit plus depuis longtemps des monuments nationaux capitaux. Madagascar n’est pas le pays le plus puissant d’Afrique, mais la Nation, elle, est en train de prouver qu’elle est la plus ambitieuse : les monuments sont toujours le fait des puissances sûres d’elles-mêmes.