La perspective de la présidentielle béninoise d’avril prochain laisse apparaître une opposition divisée.
Frédéric Joël Aïvo, ancien proche de Patrice Talon, ambitionne de remporter le scrutin sans une alliance décisive. Décrédibilisée par certaines affaires judiciaires, l’opposition devra travailler à convaincre l’électorat d’une caution morale exemplaire.
Ce décor présage de conditions propices à l’émergence d’un « outsider », qui devra cependant réussir à convaincre face à un président sortant auréolé du bilan de sa gouvernance publique et économique.
Technocrate de haut niveau, Frédéric Joël Aïvo est un expert constitutionaliste de rang international, qui a collaboré avec plusieurs institutions multilatérales dont la Cedeao.
Ce doyen de l’université d’Abomey-Calavi, de 2016 à 2019, a également participé à la rédaction de la Constitution de la République centrafricaine.
Militant politique rodé à l’école de « Notre Cause Commune » alors qu’il était étudiant, M. Aïvo s’est déclaré le premier comme candidat de l’opposition à la présidentielle.
Son activisme politique, médiatique et digital pourrait s’avérer décisif pour le positionner comme le candidat favori de l’opposition.
Cependant, un faisceau d’éléments laissent penser qu’il pourrait voir son isolement assumé se retourner contre lui, selon des analystes qui soutiennent qu’on ne gagne pas une élection seul.
Engagement politique
L’universitaire Frédéric Joël Aïvo est un ancien proche de Patrice Talon. Il a occupé le poste de porte-parole de la commission sur les réformes politiques et institutionnel, en 2016.
Mais, il prendra rapidement ses distances, avant de basculer intégralement dans l’opposition après la réforme constitutionnelle de 2019 à laquelle il est opposé.
Au vu de son pedigree d’expert, M. Aïvo représente un « opposant sérieux » pour Patrice Talon, même si son manque d’expérience gouvernementale pourrait nuire à sa crédibilité.
Cet handicap semble pourtant ne pas déranger le professeur Aïvo, ce qu’il compense par son activisme sur les réseaux sociaux, où il jouit d’une forte popularité.
Audacieux, il se permet de s’aventurer sur les fiefs politiques de Talon via une tournée dans une cinquantaine de villes, sur les soixante-dix que compte le pays.
Jeune et indépendant, Frédéric Joël Aïvo ambitionne visiblement de se positionner comme le candidat de la relève. Et pas seulement celle du président sortant.
Pour des observateurs, il semble n’être capable de se distinguer que sur la forme et l’enjeu politique. Il devra faire montre d’un leadership incontestable.
Sa plateforme, les 5R (Rassembler, Rétablir, Relancer, Redistribuer, Repositionner) offre « un programme crédible et professionnel mais ne se montre guère innovante », estiment certains.
D’autres y voient un programme qui s’affiche comme l’impression d’être une copie de la politique gouvernementale.
Si on peut reprocher à Patrice Talon une approche unipersonnelle de certaines problématiques, personne ne peut réellement contester son bilan économique.
Son leadership a permis au Bénin de sortir de la catégorie des pays les moins avancés (PMA) et l’a transformé en place d’investissements internationaux attractive.
Un tempérament indépendant
Courant janvier, la position de Frédéric Aïvo semblait encore favorable. Intégré et adoubé par le «Front pour la restauration de la démocratie », parti de coalition anti-Patrice Talon, il était en mesure de faire consensus.
Cette jeune formation ne parvient pas à se départir de fractures internes, qui ont été en s’aggravant du fait du tempérament très indépendant de Frédéric Joël Aïvo.
La rupture a finalement été consommée le 4 février 2021 avec la présentation d’un ticket électoral indépendant des Démocrates de l’ancien-président Boni Yayi.
Si le départ des Démocrates ne fait pas exploser la coalition, la formation n’en demeure pas moins vidée d’une partie de sa substance avec le départ de ce parti gouvernemental et poids lourd électoral.
De facto, Frédéric Joël Aïvo dispose d’une forte popularité et de nombreux soutiens dans la société civile. Mais comment espérer l’emporter sans alliance décisive ?
Une vingtaine de candidats a déposé un dossier de candidature auprès de la Commission électorale nationale autonome (CENA), ce qui porte un coup dur à la rhétorique anti-Talon, dont la crédibilité tenait en partie au consensus dans l’opposition.
Des querelles partisanes ont abouti à l’explosion de la coalition. Combiné à l’inflation de candidatures, le comportement de l’opposition vient implicitement donner raison aux réformes électorales sur le système des partis.