Renaissance de Benart Afrique à Datcha : une leçon de résurrection industrielle
Sous le ciel éclatant de Datcha, le 25 avril dernier, à 160 kilomètres au nord de Lomé, le Togo a célébré un acte de renouveau industriel d’une portée rare et symbolique : l’inauguration de l’usine Benart Afrique par la Première ministre Victoire Tomégah-Dogbé. Jadis berceau de TOGOTEX, géant textile des années fastes, ce site, naguère assoupi par des décennies de silence, s’éveille désormais avec une nouvelle énergie sous l’égide de la société canadienne Logistik Unicorp. Transformée en une fabrique moderne d’uniformes militaires, de tenues professionnelles et civiles, cette entreprise incarne une ambition audacieuse et stratégique : faire du Togo un phare régional incontournable de l’industrie textile.
Le Phénix de Datcha : L’Ex-TOGOTEX renait de ses cendres avec Benart Afrique
L’histoire de Datcha est, en effet, celle d’une gloire passée, mais surtout d’une renaissance aujourd’hui espérée et concrète. Dans les années 1970, TOGOTEX, véritable fleuron de l’industrialisation togolaise naissante, faisait vibrer cette localité rurale, exportant ses étoffes jusqu’en Europe. Cependant, les affres de la crise économique mondiale et des privatisations maladroites des années 1990 ont réduit l’usine à un spectre silencieux, laissant derrière elle des bâtiments vides et une population en attente.
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En 2023, un vent nouveau et prometteur souffle : Logistik Unicorp, via sa filiale locale Benart Afrique, investit massivement 6 milliards de FCFA pour ressusciter le site, le dotant d’équipements ultramodernes capables de produire un volume impressionnant de 100 000 articles par an. Depuis octobre 2023, l’usine, sise sur un vaste domaine de 10 hectares, tisse à nouveau le fil de l’espoir pour la communauté locale, confectionnant déjà 30 000 uniformes militaires et 60 000 pièces diverses, allant des tenues de police aux vêtements corporatifs pour diverses entreprises.
Lors de l’inauguration, Victoire Tomégah-Dogbé, avec une éloquence empreinte de fierté, a salué cette « résurrection prodigieuse qui témoigne de la vitalité retrouvée de notre industrie ». « Benart Afrique n’est pas qu’une simple usine ; c’est un symbole fort de notre volonté inébranlable de raviver l’industrie togolaise et de créer des emplois décents pour notre jeunesse », a-t-elle proclamé avec force, devant un parterre attentif de dignitaires nationaux et locaux, d’ouvriers et de chefs traditionnels.
Ce constat initial est, donc, limpide : l’industrialisation, lorsqu’elle s’appuie sur des partenariats stratégiques solides et une vision étatique claire et soutenue, peut véritablement transformer les vestiges du passé en puissants leviers d’avenir économique et social.
Benart Afrique tisse l’avenir régional : des uniformes made in Togo et 85% d’emplois pour les femmes
Sous la férule dynamique de Dominique Kokou Zotoglo, directeur général de Benart Afrique, l’usine aspire, désormais, à transcender les frontières nationales. « Notre visée claire est d’ériger Datcha en un cénacle d’excellence textile pour l’Afrique de l’Ouest », a-t-il déclaré avec détermination, évoquant des contrats potentiels importants avec des pays voisins comme le Ghana, le Burkina Faso et le Mali.
Cette ambition régionale s’ancre dans une réalité concrète et rassurante : l’usine répond aux normes internationales les plus strictes (ISO 9001), garantissant une qualité irréprochable de ses produits, et s’aligne parfaitement sur la demande croissante d’uniformes dans une région où les forces de sécurité s’équipent massivement face aux défis sécuritaires grandissants.
Mais l’impact de Benart Afrique dépasse largement la simple production de textile. Avec la création de 300 emplois directs stables, dont un chiffre remarquable de 85 % occupés par des femmes, et la génération d’environ 600 emplois indirects (impliquant tisserands, transporteurs, fournisseurs de matières premières), l’usine insuffle une vitalité économique nouvelle et indispensable à Datcha et à ses environs.
Les femmes, en particulier, formées aux métiers de la coupe et de la confection, deviennent des artisanes qualifiées de ce renouveau industriel, brisant les stéréotypes dans un secteur traditionnellement perçu comme masculin. Cette inclusion forte, comme l’a souligné avec fierté Manuella Santos Modukpè, ministre de l’Industrie, illustre l’émergence d’une « industrie togolaise qui marie avec succès progrès technologique, performance économique et équité sociale ».
Derrière la Renaissance : la Zone Franche Textile, moteur stratégique du « Made in Togo »
La renaissance spectaculaire de Benart Afrique n’est, en aucun cas, le fruit du hasard, mais le résultat concret d’une politique industrielle mûrement réfléchie et portée avec détermination sous l’égide éclairée du président Faure Essozimna Gnassingbé. En décembre 2022, le Togo a, en effet, lancé une zone franche spécifiquement dédiée au textile et à l’habillement, offrant des incitations majeures telles que des exonérations fiscales attractives et la mise à disposition d’infrastructures modernes adaptées aux besoins des industriels.
Benart Afrique, en tant que pionnière de ce dispositif stratégique, bénéficie pleinement d’allègements douaniers significatifs et d’un accès privilégié à la Plateforme Industrielle d’Adétikopé (PIA), un hub logistique régional de premier plan. Cette stratégie proactive et intégrée, clairement inscrite dans la Feuille de route Togo 2025, vise à faire du secteur textile un pilier majeur de la diversification économique du pays, dans un contexte dans lequel l’agriculture (production de coton, karité, etc.) reste, pour l’instant, prédominante.
À Datcha, cette alchimie se concrétise magnifiquement : l’usine, idéalement connectée au port de Lomé via une logistique optimisée, exporte déjà près de 10 % de sa production vers le Sénégal, démontrant sa capacité à s’insérer dans les chaînes de valeur régionales.
Ce principe est, par conséquent, crucial pour les décideurs économiques africains : une politique industrielle volontariste, lorsqu’elle conjugue judicieusement incitations à l’investissement et développement d’infrastructures de soutien, peut véritablement ressusciter des secteurs économiques autrefois moribonds et créer une nouvelle dynamique.
Datcha, symbole de souveraineté : quand le travail et l’industrie redonnent dignité et ambition au Togo.
L’inauguration de Benart Afrique n’est, ainsi, pas qu’un simple jalon économique dans l’histoire récente du Togo ; elle est, plus profondément, une exhortation inspirante à repenser le travail non pas comme une simple nécessité, mais comme un vecteur puissant de dignité et d’épanouissement humain. L’usine représente bien plus qu’un simple lieu de production pour ses 300 employés directs, parmi lesquels figurent de nombreuses mères célibataires et jeunes diplômés en quête d’un avenir professionnel. Elle leur garantit un revenu stable, des conditions de travail dignes et une formation continue, contribuant ainsi à briser le cycle de la précarité.
À Datcha, elle ravive une fierté collective et renforce le sentiment d’appartenance, comme en témoignent les danses traditionnelles enthousiastes qui ont animé la cérémonie officielle. Pour le Togo, elle symbolise une ambition nationale forte et affirmée : faire du pays un pôle textile régional d’ici 2030, à l’instar de nations comme l’Éthiopie qui ont déjà amorcé cette transformation.
Cette renaissance industrielle et humaine enseigne, en définitive, une vérité intemporelle et essentielle : l’industrie, lorsqu’elle est bien pensée et qu’elle s’enracine dans les aspirations profondes d’un peuple, devient un acte de souveraineté nationale fort et un moteur de progrès social.