Alors que les systèmes éducatifs africains cherchent à s’affranchir des modèles hérités de l’ère coloniale, le Togo opère une mue audacieuse. Sous l’impulsion du ministre Dodzi Komla Kokoroko, le pays instaure un « baccalauréat blanc national » (BAC 2), prévu du 24 au 27 mars 2025. Cette initiative, bien plus qu’une simple répétition générale, se veut un levier stratégique pour redéfinir les contours de l’évaluation scolaire.
Baccalauréat blanc : Un simulacre pédagogique à grande échelle
Le BAC 2 togolais n’est pas un énième galop d’essai. Conçu comme un reflet académique, il reproduit scrupuleusement les conditions du baccalauréat officiel, de la distribution des sujets à la rigueur des corrections. Les élèves de terminale, plongés dans un environnement d’examen authentique, doivent affronter des épreuves calibrées pour refléter le niveau d’exigence cardinal attendu. L’objectif est d’éradiquer la psychologie de la surprise, souvent responsable des contre-performances.
Mais l’innovation ne s’arrête pas aux candidats. Les enseignants, transformés en archéologues des lacunes, sont invités à décortiquer les copies pour identifier les failles cognitives récurrentes. Ces données, compilées en cartographies de compétences, serviront à ajuster les méthodes pédagogiques, passant d’un enseignement frontal à une approche corrective-proactive.
Une réforme curriculaire en mode satellite
Ce bac blanc s’inscrit dans une refonte plus large des programmes scolaires visant à substituer aux savoirs encyclopédiques des compétences transférables. Le gouvernement togolais mise sur une évaluation formative plutôt que sommative, où chaque erreur devient un tremplin pour l’apprentissage. Une philosophie résumée par un adage local revisité : « Ce n’est pas la chute qui compte, mais la manière de redresser le pas. »
Si l’expérience porte ses fruits, le dispositif pourrait s’étendre aux classes de première dès 2026, créant ainsi un continuum évaluatif sur deux ans. Une perspective saluée par les acteurs éducatifs, qui y voient un antidote au bachotage intensif, souvent synonyme de savoirs évanescents.
Un laboratoire éducatif pour la sous-région
Le Togo, petit par la taille mais ambitieux par la vision, entend ainsi préfigurer une mutation éducative ouest-africaine. En transformant l’évaluation en outil de progression plutôt qu’en sanction, le pays défie les modèles traditionnels où le baccalauréat fonctionne comme un filtre social impitoyable.
Si cette transformation prometteuse suscite l’enthousiasme, il convient de rester prudent quant à sa capacité à surmonter les défis logistiques, la formation des correcteurs, l’harmonisation des barèmes et les résistances culturelles. Il est toutefois indéniable que l’initiative inspire d’autres démarches analogues.
L’école comme chantier d’avenir
En instaurant ce bac blanc national, le Togo ne se contente pas de préparer des élèves à un examen. Il esquisse une école où l’échec n’est plus une fatalité, mais une étape vers la maîtrise. Une leçon qui, au-delà des salles de classe, rappelle que l’éducation est moins une course qu’un art de bâtir des fondations solides. Et dans ce domaine, le pays montre qu’il a plus que jamais la main pédagogique.