Le penseur sénégalais Felwine Sarr, 47 ans, a annoncé lundi poursuivre sa carrière d’enseignant-chercheur à l’Université américaine de Duke, « après 13 ans de bons et loyaux services » à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (nord).« Depuis quelques jours, je suis arrivé à Durham en Caroline du Nord. Je rejoins l’Université de Duke où j’ai obtenu un poste de Distinguished Professor of Humanities dans le département de Romance Studies. J’y occupe la chaire Anne-Marie Bryan. C’est un département d’humanités dites writ large », écrit sur sa page Facebook M. Sarr qui est à la fois écrivain, économiste, universitaire et musicien.
A Duke, il va enseigner dès cet automne la philosophie africaine contemporaine et diasporique. Au printemps, il donnera un cours intitulé music history and politics. Ce sera l’occasion d’explorer les dynamiques politiques et sociales des nations africaines depuis les indépendances à travers l’archive musicale. Il dispensera un troisième cours sur le soin et la guérison dans le roman contemporain africain.
« Le programme de recherche que je conduis à Duke et sur lequel je vais travailler ces prochaines années, s’intitule Ecologies of Knowledge. J’y repose la question de ce qu’est un savoir, j’y explore les épistémologies du non-logos, les savoirs inscrits dans les textes oraux, les arts, les corps, et toute la topographie du discours social », a-t-il expliqué.
Il souligne en outre que son intérêt « se porte désormais dans l’élaboration des fondements d’une économie du vivant » pour ce qui est de cette discipline.
Pour cet intellectuel africain de renom, il est important non seulement « d’élargir la géographie des savoirs, mais pour les sociétés africaines de réinvestir des archives cognitives et des pratiques discursives à travers lesquelles elles ont transmis et enrichi un capital culturel dans le temps. Ma conviction est que ces archives réinvesties, enrichiront notre connaissance et sont fécondes pour les temps à venir. Mon terrain de recherche de prédilection sera l’Afrique de l’Ouest ».
Des cours « en ligne » pour l’UGB
Ainsi, « j’élargis mon champ disciplinaire aux humanités et continue à construire une expérience à la croisée des sciences humaines et sociales. Je me déplace et change de lieu à partir duquel je fais l’expérience du monde ».
En revanche, les chantiers entrepris sur le continent « se poursuivront, notamment les Ateliers de la pensée et l’école doctorale des Ateliers qu’Achille (Mbembé, écrivain camerounais) et moi organisons », a-t-il précisé.
Le lien ne sera pas totalement coupé avec la deuxième plus grande université du Sénégal. « Je continuerai à donner mon cours d’épistémologie à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, que je ferai en ligne, et le travail d’encadrement des doctorants de l’UGB se poursuivra », a ajouté Felwine Sarr.
Au département de Romance Studies de Duke University, il retrouvera l’historien Laurent Dubois, le sémioticien argentin Walter Mignolo, Deborah Jenson, Esther Gabara, Ranji Khanna, Anne Gaelle Saliot, Richard Rosa « et tant d’autres, qui m’ont chaleureusement accueilli ».
Né en 1972 à Niodior dans le Sine-Saloum (centre), Felwine Sarr a fait ses études supérieures à l’université d’Orléans, en France, où il obtient un doctorat en économie en 2006.
Agrégé des universités et professeur titulaire du CAMES, il est lauréat du Prix Abdoulaye Fadiga pour la Recherche Économique en 2010. Il devient l’année suivante le Doyen de la Faculté d’économie et de gestion de l’UGB où il enseigne depuis 2007, et Directeur de l’UFR des Civilisations, Religions, Art et Communication (CRAC) de la même université située au nord du Sénégal.
En mars 2018, il se voit confier par la présidence de la République française une mission d’étude, avec l’universitaire et historienne de l’art Bénédicte Savoy, sur la restitution du patrimoine africain. Ils présenteront en novembre de la même année un rapport faisant des propositions dans ce sens.